Enseigner le management De la nécessité des stages en entreprise

, par Stéphane Jacquet

J’ai eu la chance de participer récemment à un stage de formation, par l’intermédiaire du CERPEP, au sein de l’institut de formation d’Auchan. Ces trois jours m’ont rappelé l’importance de l’immersion en entreprise pour nos enseignements en économie-gestion et plus particulièrement en management. J’ai participé, comme formateur, au lancement du management en STS, il y a déjà cinq ans et je me souviens des nombreuses questions et attentes des collègues, en particulier à propos des cas d’entreprises. Depuis ce lancement et cet engouement pour la matière, j’ai constaté un certain nombre de situations qui me laissent penser que les stages en entreprise doivent être développés et surtout suivis par nos collègues, afin d’en tirer un large bénéfice pour nos élèves.

Un constat : le management est une matière « vivante » et nos réponses sont parfois datées…

Le management n’est pas une « science dure », avec ses règles immuables et ses axiomes. C’est une matière complexe, tout comme les individus qui en sont les acteurs. Elle est donc vivante et il faut constamment questionner l’actualité, les auteurs et s’approprier les cas d’entreprise. Beaucoup de collègues estiment manquer d’informations actualisées. Il paraît, par exemple, délicat de traiter le cas du marché de la téléphonie mobile avec des documents…de plus d’un an ! La confiance accordée dans les manuels est respectable mais c’est le professeur qui a la responsabilité d’actualiser les données tirées de ces manuels et de se les approprier. Parfois nos élèves peuvent être curieux et bien connaître une entreprise ou un marché et nous nous devons d’adopter une attitude de veille pour mieux leur répondre. Certains d’entre nous se souviennent de l’enseignement de l’économie d’entreprise qui supposait un gros travail de mise à jour des cas et exemples, et chacun avait sa méthode (personnellement j’utilisais des dossiers par entreprise, beaucoup de colle et des ciseaux !). La mise en place du management a entrainé une approche nouvelle, avec l’élève plongé au cœur de l’enseignement comme « acteur » de la matière et de son apprentissage. L’enseignement du management, en STMG, en STS et en DCG, fait la part belle à l’analyse de cas réels, avec une problématisation et des pistes de réponses à trouver. Cette matière est également une clé pour la poursuite d’études (Post Bac, post BTS) et valorise nos sections aux yeux des élèves mais aussi des parents et des élèves des autres sections. Toutes ces raisons nous entraînent à proposer des cours vivants, avec des productions d’élèves ; autour d’une approche inductive et pratique qui ne néglige pas la rigueur scientifique liée aux bases du management. Alors c’est vrai que certains de nos collègues ont eu un parcours en entreprise, avant de devenir professeur, et ils savent en tirer profit. Mais ce parcours est parfois « ancien » et les choses changent très vite en management. Nous aussi, devons intégrer le fait de « nous former tout au long de notre vie », ce qui est un objectif majeur de la récente loi sur la formation professionnelle. Quelle crédibilité aux yeux des élèves et des parents pourrait avoir un professeur qui parlerait de quelque chose qu’il ne connaît qu’à travers quelques lectures datées ou quelques cours immuables ? Notre « point faible » réside dans le manque d’expérience en entreprise mais aussi l’absence de curiosité et de volonté à s’y immerger, ne serait-ce que quelques jours par an.

… Le stage en entreprise devient une nécessité pour qui veut enseigner le management…

Peut-on imaginer un collègue d’anglais qui ne voyagerait pas et n’utiliserait l’anglais qu’en classe, ou un professeur de cuisine qui ne ferait jamais la cuisine ? Le stage en entreprise est une modalité majeure de formation, en management. Il constitue une nécessité et apporte des bénéfices importants. D’abord il permet de confronter ses idées et ses concepts au terrain. Un professeur qui parle de stratégie pourra venir s’alimenter à la source, lors d’un passage en entreprise ; pour ensuite accomplir le nécessaire travail d’ingénierie pédagogique à partir des matériaux glanés sur le terrain. Les échanges avec des interlocuteurs souvent intéressants (responsables formation ou communication) constituent un atout de ces stages. C’est bien lors de ces stages, qu’il faudra choisir en connaissance de cause ; que le professeur va s’alimenter autrement que par l’intermédiaire de ses sources habituelles (manuels, presse, internet). Mais il ne doit pas seulement adopter la posture du « preneur », il doit aussi « donner » et apporter un regard critique sur l’entreprise. Il ne faut pas craindre de poser ce regard, les entreprises nous en sont reconnaissantes, car nous avons le recul et la distanciation nécessaires à cet exercice. La réactualisation des données sera possible, avec une source fiable, contrairement à ce qu’on trouve parfois sur le web. Je n’ai jamais vu d’entreprise refuser de répondre à une de mes questions (parfois précises et stratégiques). Ce qui me semble le plus intéressant, aujourd’hui c’est la possibilité de faire un « focus » sur certains points, à travers le stage en entreprise. Car on peut penser que trois jours c’est peu, mais c’est aussi beaucoup si l’on est plongé dans un environnement de travail très spécialisé. Par exemple, un collègue (de CGRH ou de BTS AM ou autre) qui souhaiterait approfondir la question du recrutement serait inspiré de faire un stage chez un spécialiste du recrutement (le CERPEP propose un stage chez Randstad et un autre chez Deloitte). De la même façon, un professeur de BTS MUC qui passe beaucoup de temps (en gestion de la relation commerciale) à travailler sur des notions liées à la distribution ; tirerait profit d’une immersion chez un géant de la grande distribution, même si la thématique est, a priori, managériale ; les effets pour l’enseignant sont multiples. Je ne préciserai pas, ici, les bénéfices multiples pour nos élèves, vous savez comme ils sont motivés par les cas d’entreprise et le concret. C’est une entrée indispensable dans la séance de travail, à condition de bien maîtriser son sujet et de bien gérer ses ressources professionnelles. Je souhaite brièvement raconter mon dernier stage en entreprise et insister sur ses apports.

…Mon stage CERPEP à AUCHAN, une grande expérience !

Le CERPEP (centre d’études et recherches sur les partenariats avec les entreprises et les professions) dépend de l’inspection générale de l’Education Nationale. Il offre plus de 1700 stages chaque année aux professeurs mais aussi aux personnels de direction. Les plus grandes entreprises françaises ont répondu à l’appel (Auchan, Accor, Renault, Alcatel…) pour nous accueillir et nous former dans des conditions d’immersion professionnelle, avec leurs cadres. Mon passage à l’institut Fontaine, du groupe Auchan, me laissera un souvenir profond. Ce stage permet aux professeurs volontaires, de se joindre à un groupe de « top managers » de la « galaxie » Auchan, pendant trois jours. Chez Auchan, ce stage est vécu comme une sorte de récompense, certains managers en poste depuis très longtemps n’ont pas la chance de le faire (il en coûte près de 3 000 euros à l’entreprise ou au magasin qui le finance pour le manager). Il s’intitule, à juste titre, « management et performance durable ». J’ai donc rejoint un groupe d’une trentaine de cadres dirigeants issus d’entreprises de la grande distribution (Picwic, Décathlon, Weldom, Leroy Merlin…). La présence de certains profils (DRH, DIRCOMS, responsables de formation, chefs des ventes nationaux) m’a tout de suite fait comprendre que le stage serait profitable en termes d’échanges et de réseau. Les organisateurs l’ont bien compris car les temps informels d’échanges sont nombreux et les repas sont inclus dans ces temps (buffets). Les interactions furent donc nombreuses et de qualité, pour me permettre de développer mon réseau professionnel. Car ce n’est pas parce qu’on est professeur, que notre réseau devrait se limiter uniquement à des enseignants…bien au contraire (voir mon article sur les réseaux sociaux professionnels sur le site du CREG) ! Le contact direct avec le responsable presse du groupe Auchan m’a permis de monter un projet de reportage lors d’un accompagnement VAE que je réalise pour un magasin Auchan. C’est également lors de ce stage que j’ai pu directement échanger avec Gérard Mulliez et lui présenter mes travaux d’accompagnement VAE réalisés au sein du groupe. Ce contact a accéléré le projet national porté par la responsable formation du groupe… En termes de contenu, mon analyse « qualitative » de ce stage montre l’intérêt d’une telle formation pour des professeurs. L’objectif général de cette action est de porter un nouveau regard sur son management et de permettre une prise de recul pour créer les conditions de la motivation et de l’engagement. Les deux animateurs, Stéphane et Dominique, par leur expérience et leurs réseaux, ont concocté un programme de travail riche et pertinent. Tout d’abord, il faut préciser l’omniprésence de Gérard Mulliez qui lance l’action de formation et est présent lors des temps d’échange. Il est très facile d’accès et sait créer du lien entre les stagiaires. Lors du stage, il présente les valeurs fondamentales du groupe, en insistant sur leur émergence, avec de nombreuses anecdotes. Une belle ré-exploitation est possible en management, sur le thème de la culture d’entreprise, des valeurs et de l’implication des salariés. Un premier intervenant, jeune ingénieur français (Corentin De Chatelperon) parti construire des bateaux au Bangladesh, présente son parcours sur le thème « produire et gérer autrement ». Là, on est dans le programme de BTS 1 et je sens bien tous les apports possibles sur le thème de la performance et des indicateurs. Le fondateur de Bretagne Ateliers (Jean-Michel Quéguiner) viendra ensuite nous parler du lien pour la performance et de l’extraordinaire « success story » de son entreprise qui emploie principalement des salariés en réinsertion. Le deuxième jour va marquer un grand moment de partage et d’émotions avec cette intervenante (Barbara Donville), ancienne spécialiste en antiquités, qui est devenue psychothérapeute et médiatrice pour prendre en charge son fils, autiste. J’y vois un grand intérêt quant au travail sur les compétences mais aussi sur la motivation, car cette femme a suivi plus de 400 enfants autistes et elle est reconnue dans le monde entier ! Après une autre intervention de Gérard Mulliez, qui insiste sur le lien et le partage, un autre intervenant de haut niveau vient nous expliquer comment il manage un orchestre (Michel Podolak) et insiste sur la nécessaire harmonie à mettre en place pour obtenir de la cohésion. Que de bonheur avec cette intervention dont je ne perds aucun mot, car j’y vois des possibilités d’analyses et d’actions à mettre en place dans des classes de plus en plus hétérogènes ! Enfin, le troisième jour va se conclure sur une intervention de très haut niveau (Marc Halévy) par une sorte d’ « OVNI » intellectuel (physicien, philosophe, sociologue) qui me fait penser aux savants de la renaissance. Sa présentation sur le thème « prospective et complexité collaborative » va résonner longtemps en moi, dans plusieurs domaines, dont celui de ma recherche doctorale en cours (sur la complexité de l’accompagnement). C’est donc un stage de très haut niveau que m’a offert le CERPEP et ces trois jours m’ont apporté (et vont encore m’apporter) aussi bien des matériaux d’analyse que des idées diverses de travaux. Certes, j’aurais pu continuer à enseigner le management, sans ce stage ; mais une chose est sûre : je ne l’enseignerai plus comme avant, après ce moment. De plus, de nombreuses idées de formations me sont apparues et je me suis définitivement engagé dans quelques projets, jusque là latents. La seule contrainte, mais elle devrait être intégrée à notre organisation personnelle ; c’est de s’informer sur le programme des stages et de faire acte de candidature. Le site du CERPEP, propose des stages, via le portail EDUSCOL :

http://eduscol.education.fr/pid31668/l-offre-de-stages-courts-cerpep.html

Source : extrait du portail éduscol

Il faut bien respecter la date (jusqu’au 16 Février) et ne pas hésiter à s’engager, c’est tout bénéfice pour le professeur, l’institution et surtout les élèves et étudiants.

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Stéphane Jacquet,
professeur de management
et responsable du BTS MUC du lycée Marcel Pagnol d’Athis-Mons,
doctorant en sociologie du travail

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