Risque pays : nouveaux enjeux pour les entreprises exportatrices

, par Corinne Nardot

L’augmentation et l’apparition de nouveaux risques imposent de développer mais aussi d’adapter l’analyse du risque pays conçue à la fois comme une fonction d’appui aux décideurs économiques et une discipline en pleine mutation de l’analyse économique.

L’augmentation et l’apparition de nouveaux risques imposent de développer mais aussi d’adapter l’analyse du risque pays conçue à la fois comme une fonction d’appui aux décideurs économiques et une discipline en pleine mutation de l’analyse économique.

Alors que l’analyse du risque pays a été très marquée par le contexte dans lequel elle s’est développée dans les années 80 en réaction à la montée des sinistres consécutifs à la crise de la dette, l’augmentation de la population et la mondialisation entraînent désormais des risques épidémiologiques et technologiques, qui imposent l’application du principe de précaution de part leur nature systémique.

Le risque est dorénavant la problématique commune de tous les grands enjeux de société, d’autant plus exacerbés, qu’ils accompagnent les grands changements sociaux.

L’aversion pour le risque des sociétés contemporaines les contraignent à les anticiper, les analyser et à les couvrir afin de protéger leurs actifs matériels et immatériels (réputation, identité,...).

Face à la complexité et à l’ampleur des nouveaux risques (hyperterrorisme, explosion d’une centrale nucléaire, dégradation irréversible de l’environnement,...), l’Etat doit intervenir, car ces risques de par leur nature, leur fréquence et leur ampleur sont assimilables au risque de guerre. Ce risque ne peut dès lors être assumé seul par le marché pour des raisons économiques (illimité, incalculable) et l’Etat se doit d’assumer un rôle d’assureur en dernier ressort car il est garant de la sécurité intérieure et extérieure de ses ressortissants (missions régaliennes de l’Etat).

En raison de l’internationalisation des entreprises et des échanges, le risque pays prend une place de plus en plus importante tout en changeant de nature.

1) Si les risques des années 70-80 (guerre, nationalisation, défaut sur la dette bancaire externe des états) paraissent aujourd’hui mieux circonscrits, les évolutions structurelles des économies en développement et des modalités de leur financement international ont entraîné l’apparition de nouveaux risques :

Les politiques de privatisation et de libéralisation ont réduit de facto le risque d’expropriation mais ont augmenté le risque de défaut des Etats sur le paiement de leur dette ou sur la garantie, qu’ils ont accordée. Ces risques se sont concentrés sur les pays estimés les plus prometteurs, car considérés comme « émergents ».

Ce risque macro-économique s’accompagne souvent d’une dégradation du marché des changes ce qui caractérise le risque souverain, même si celui-ci reste limité par la volonté des gouvernements de maîtriser les finances publiques comme préconisé par les Institutions Financières Internationales (FMI, Banque Mondiale,...).

Mais le développement des investissements directs étrangers crée de nouveaux risques pour les pays qui en sont dépendants, via par exemple le rapatriement des bénéfices (Chine,...).

2)L’interdépendance des économies, la mondialisation et le financement de plus en plus important de l’économie par les marchés financiers augmentent le risque de contagion entre les pays et les différents agents économiques (PME, FMN, entreprises publiques,...), ce qui lui donne une dimension systémique.

Ce risque de contagion ne peut remettre en cause à lui seul son caractère assurable, s’il reste marginal. Or, l’augmentation, la diversification et la complexité du risque pays imposent au marché (financier et assurance) de mettre en place de nouvelles couvertures par zone géographique (macro-marchés).

Dès lors, une nouvelle dimension du risque pays émerge aujoud’hui, l’analyse de la dynamique institutionnelle. Elle repose sur l’idée que les paramètres macro-économiques sont insuffisants en eux-mêmes pour expliquer mais, surtout, pour anticiper la dynamique de développement dans laquelle un pays est, ou non, inséré (situation de la concurrence, des droits de propriété et des contrats, du système judiciaire et financier, de la gouvernance publique et d’entreprise,....).

L’assurance-crédit publique (Coface pour la France) continue à être un acteur incontournable de la couverture du risque pays pour les entreprises, en contribuant à amortir les conséquences financières des crises, à prendre des risques sur des opérations, où le secteur bancaire n’interviendrait pas seul.

L’internationalisation des entreprises leur impose de gérer un poste client de plus en plus important et complexe, souvent en temps réel, et sont de plus amener à externaliser et optimiser tout ou partie de la gestion des risques liés au credit-management, tout en conservant la maîtrise de leurs actions commerciales (solution et notation @rating de la Coface).

Celle-ci distingue le rating entreprise, qui s’adresse principalement à ses clients et apprécie le risque de crédit des entreprises étrangères et le rating pays, ouvert au public, qui évalue les différents pays en fonction de nouveaux indicateurs (risque systémique, fragilité des systèmes bancaires locaux, risques de paiements sur les opérations à court terme,..).

La prise en compte de l’analyse pays et son anticipation par les entreprises revêt d’autant plus d’importance, qu’aujourd’hui plus des deux tiers des biens et services échangés d’un pays à l’autre s’inscrivent dans des transactions entre entreprises, voire même entre sociétés de nationalités différentes appartenant à un même groupe.

Mais il ne faut pas confondre le fait générateur du risque, d’une part, qui peut dépendre d’une volonté délibérée (attentat du 11 septembre par exemple) ou du résultat d’un enchaînement d’évènements difficiles à prévoir, de ses conséquences, d’autre part, elles-mêmes incertaines, sur telle opération économique en cours ou projettée (100 milliards de dollars de dégâts, dont près de 60 milliards à la charge des assureurs pour l’attentat terroriste du WTC, retrait du marché irakien suite à l’attentat du 19/08/03 contre l’ONU à Bagdad,...).

La complexité grandissante des relations économiques internationales, qui fait intervenir dans toute opération une pluralité d’acteurs impliqués à des niveaux différents impose désormais aux entreprises d’intégrer le risque pays dans leur stratégie de développement en ajoutant dorénavant aux critères économiques objectifs des critères politiques par définition plus subjectifs et donc plus difficilement quantifiables.

Il paraîtra vraisemblablement plus cohérent dans l’avenir<span style="mso-spacerun: yes"> de distinguer les risques qui proviennent de la sphère publique (risques politiques) et les risques qui émanent de la sphère privée (commerciaux ou financiers).

De même, une entreprise ne pourra dans l’analyse des risques faire abstraction des critères qualitatifs comme la qualité d’une relation, la durée de la relation, l’expérience partagée dans les relations avec ses partenaires étrangers.

Il serait donc plus logique de parler des risques d’un pays que du risque pays, car les entreprises ou institutions financières devront se protéger contre des risques d’un type nouveau provoqués par la dilution de l’Etat en une multitude de centres de pouvoirs politiques (régions, municipalités, ONG, ...) et l’interpénétration des acteurs du marché (public/privé).

Cette diversification des risques aussi bien politiques que commerciaux rend indispensable une prise en compte plus transversale et qualitative, que la simple analyse macroéconomique d’un pays.

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Le risque pays

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