Coaching et management : dépasser l’effet de mode pour envisager sa véritable utilité

, par Stéphane Jacquet

S’il est bien un mot qui fait recette en ce moment c’est celui de coaching. Pas un jour sans qu’il ne soit employé dans les médias, pas une discussion ou un dîner en ville sans qu’on ne l’utilise, pas un rayon de livres de management digne de ce nom sans une étagère bien garnie d’ouvrages de coaching ! La mode se serait donc emparée de ce mot et de sa connotation un peu « miraculeuse » ? En réalité, le terme recouvre une démarche très ancienne et parfaitement structurée qu’il serait intéressant de redéfinir dans l’optique d’une utilisation dans le domaine du management. En effet, dans une situation économique complexe et difficile, les entreprises ont tendance à chercher des techniques et méthodes permettant un retour sur investissement rapide et une efficacité importante. L’aspect un peu « miraculeux » du coaching a pu séduire un certain nombre d’entreprises avec de nombreux témoignages dans la presse spécialisée (voir la dernière livraison du magazine l’Entreprise de Janvier 2009 et son article « ils ont fait appel à un coach »). Certains dirigeants de haut niveau commencent même à témoigner en mettant en avant l’impact et le rôle joué par leur démarche de coaching. Ces témoignages parfois élogieux ont aussi généré un besoin et une demande très forte auprès du management intermédiaire qui revendique de plus en plus son « droit au coaching », certains auteurs allant jusqu’à revendiquer un « droit individuel au coaching » du même type que le DIF ! (Catherine Chouard dans « le grand livre du coaching » aux éditions Eyrolles). Cependant, devant la difficulté à trouver un coach et à s’orienter dans un univers professionnel qui n’est pas encore réglementé, de nombreuses entreprises ont choisi d’inciter leurs managers à adopter une démarche de coaching avec leurs équipes de collaborateurs. Ceci avec peu ou pas de formation et parfois des représentations erronées du coaching. Notre intention est donc de clarifier la définition et la démarche du coaching en vue d’examiner son intérêt réel pour le management des entreprises. En effet, alors qu’il s’est largement diffusé auprès des dirigeants des grandes entreprises, le coaching paraît encore « hors de portée » du management intermédiaire à qui l’on demande pourtant de l’utiliser de plus en plus en particulier pour remotiver les équipes opérationnelles. Ainsi, nous pourrions traiter la problématique suivante : « qu’est-ce véritablement que le coaching et que peut-il apporter au management dans l’entreprise ? ».

Il faudra alors chercher à définir la notion dans une première partie (1), en partant d’abord de ce qu’il n’est surtout pas (1.1.) pour ensuite essayer d’en tracer les contours (1.2.). Nous verrons alors l’utilité réelle du coaching en management (2), en analysant ses méthodes et outils dans une perspective d’efficacité (2.1.) mais aussi ce que l’on ne peut pas faire avec le coaching (2.2.). Il conviendra ensuite de se projeter et de voir vers quoi le coaching peut tendre en termes de management dans l’entreprise (3), en examinant l’intérêt de la posture du manager-coach (3.1.) et ses limites (3.2.).

 Première partie : Qu’est-ce que le coaching ?

Dans tous les livres consacrés au coaching, on trouve toujours une première partie sur la définition et l’origine du coaching, avec des développements parfois très longs sur l’évolution du coaching. Plutôt que de tenter de le définir dans un premier temps, nous avons choisi d’abord de présenter ce qu’il n’est pas afin d’éviter toute controverse et toute confusion du type de celles entretenues par les médias (1.1.). Ensuite, cela nous permettra de mieux le définir et en tracer les contours (1.2.).

1.1. Ce que le coaching n’est pas

Devant la confusion provoquée par l’utilisation massive du mot surtout dans les médias, les entreprises ont eu tendance à s’emparer du modèle dans une logique d’apport immédiat de solution. Or, le coaching n’est pas une sorte de système de solutions qui pourrait permettre de pallier les erreurs du management de certaines entreprises. Certes, il est souvent pratiqué par les coachs issus de cabinet de conseil parfois même du conseil en recrutement. Dans une logique de conseil, on peut supposer que le dirigeant dont le management est en crise cherche à s’entourer des meilleurs experts dans les différents domaines de sa gestion. Malheureusement, de nombreuses préconisations issues de missions de conseil ont abouti à des solutions à court terme parfois inefficaces, ou tout simplement à des « copier – coller » de ce qui avait été réalisé ailleurs. Tout ceci peut être illustré par l’utilisation massive de modèles et matrices dans les années 60 à 80, par les conseils en management. Or, ces approches se sont révélées bien souvent dénuées de vision et de sens, plus axées sur l’action que sur la recherche d’une vraie réflexion. Thierry Chavel, co-directeur de la formation de coaching de l’université de Paris 2, le développe dans son livre « le coaching démystifié » en y consacrant un paragraphe entier pour savoir si le coaching serait une alternative au conseil. Il cite ainsi le cas d’un grand cabinet de conseil qui affirme que l’essentiel de la valeur d’une entreprise réside dans sa richesse humaine tandis que ses méthodes et pratiques véhiculent une approche mécaniste et déshumanisante de l’entreprise ! C’est donc la demande croissante d’une vraie démarche d’accompagnement, axée sur les valeurs, le sens et parfois même la recherche d’identité, qui met en avant la différence profonde existante entre le coaching et le conseil. De nombreux cabinets de conseil ne s’y sont pas trompés puisqu’ils offrent aujourd’hui tous les services de véritables coachs et prennent une part importante du marché des grandes entreprises, en utilisant la notoriété de leurs cabinets.
Puisque le coaching se démarque du conseil dans le sens où il ne cherche pas à plaquer de modèles ni à faire la leçon à une entreprise qui développerait de mauvaises pratiques de management, peut-on alors l’assimiler à la représentation qu’on en voit dans les médias à travers le sport et la pratique de certains « coachs » autoproclamés et charismatiques ?
S’il est difficile de dire depuis quand existe le coaching, on peut dire que la traduction des livres de John Whitmore en France a permis de le diffuser au début des années 90. On peut relever principalement : « coaching for performance. “A pratical guide to growing your own skills” édité en France en 1994.John Whitmore est un coach réputé au niveau international qui a été pratiquant sportif de haut niveau. Dans son livre, il développe la pensée de Timothy Gallwey, enseignant à Harvard, qui a développé une pédagogie du tennis et du golf axée sur le coaching. Pour lui, le travail d’entraînement cherche à libérer le potentiel du joueur pour le porter à son niveau de performance optimal. On a donc souvent utilisé l’appellation de coach dans le sport de haut niveau pour symboliser l’entraîneur, le manager ou même le sélectionneur. Tout le monde se souvient de la coupe du monde de 1998 en France et du nombre de fois où le nom d’Aimé Jacquet a été associé au mot coach.
Le grand public est donc tenté de faire un amalgame rapide entre l’action quotidienne d’un entraîneur ou manager d’une équipe sportive et le coaching. Or, le quotidien d’un entraîneur est fait d’un travail d’observation, de conseil et de préconisation qui là encore tranche avec l’action du coach. Lorsqu’un entraîneur de football préconise un modèle d’organisation ou demande à des joueurs de faire un exercice à l’entraînement ou même se met à tancer ses joueurs dans les vestiaires, il n’utilise pas la démarche du coaching. Pire encore, en cas de victoire d’une équipe la presse encense le coach et le grand public et lui attribue parfois des pouvoirs un peu « magiques ». Le coach n’est en aucun cas une figure « magique » dotée de pouvoirs qui vont transformer une personne ou un groupe !
C’est aussi ce qu’en font certains, avec parfois de l’indélicatesse, qui nous éloigne de la démarche du coaching. En effet, le métier de coach peut apparaître comme une voie de reclassement pour beaucoup de gens qui se posent des questions, voire une thérapie libératrice pour certains. Ce serait aussi une « bouée de sauvetage » pour certaines officines de formation à la recherche de clients nouveaux. On pourrait également y trouver une sorte de patchwork de méthodes éculées à mi-chemin entre la parapsychologie et les stages extrêmes à la mode dans les années 80. Enfin, et c’est le plus grave, certains coachs ont parfois agi de manière totalement irrationnelle avec leurs « clients », en les entraînant dans une dérive sectaire. Certaines entreprises de formation et certains cabinets conseils n’étaient en fait que des « recruteurs » pour des mouvements sectaires bien connus. Dans un article extrêmement critique publié en septembre 2003, la revue Management pointe toutes les dérives du coaching avec de nombreux exemples (« coaching : attention aux dérapages ! »). Des conséquences dramatiques de « pseudo coaching » sont décrites en insistant bien à chaque fois sur les méthodes utilisées (manipulations, investigations…).
La télévision a également dévoyé de manière importante le mot en inventant de nombreuses émissions où un « coach » devait trouver la solution à votre problème et vous aider dans des domaines aussi vastes que les sentiments, l’image, les relations familiales ou de voisinage et même de couple ! Il s’agissait en fait ici d’une simple démarche de conseil qui exploitait une certaine forme de misère humaine. Ainsi, même les émissions sérieuses qui ont tenté d’approfondir et de présenter le coaching en ont montré au grand public une vision parfois restrictive souvent trompeuse ( dans l’émission « quelle époque épique » sur France Infos le 22 janvier 1999, on peut entendre que le coach est « un thérapeute qui va jouer le rôle du meilleur ami, qui va dire des choses que personne n’ose vous dire, vous écoutera, vous provoquera, vous demandera peut-être entre chaque séance de lire, de faire du sport … »).
Ainsi, peut-on dire que le coaching n’a pas grand-chose à voir avec certaines démarches qui lui sont pourtant associées. Même si le conseil est une posture liée historiquement au coaching, elle s’en démarque nettement. Inutile de préciser, ce que représentent les autres figures évoquées dans ce paragraphe (principalement celle du gourou), qui constituent l’antithèse du coaching.
Il serait donc intéressant de chercher à définir le coaching assez précisément et à en tracer les contours.

1.2. Le coaching et ses contours

Chercher à définir le coaching, c’est d’abord se noyer dans des dizaines de définitions différentes suivant les ouvrages et des milliers de réponses sur Internet. Le mieux est de chercher à remonter à ses origines. Étymologiquement, le coaching semble venir de l’anglais « to coach », employé pour marquer l’action d’un entraîneur sportif ou d’un manager. En réalité, il vient du « coche » français, dérivé du kocs hongrois qui signifie « diligence ». Le coach serait donc celui qui aiderait à transporter le coaché vers une destination. C’est donc bien le coaché qui choisit la destination et le coach qui l’aide à optimiser son potentiel pour y arriver du mieux possible. Si le principe est clair, les définitions multiples proposées sont parfois extrêmement différentes. Christian Husson, dans un article récent (« coachs et coaching, définitions sur www.adequate.fr) a tenté de recenser ces principales définitions. Il en a trouvé plus d’une trentaine ! Certaines sont centrées sur l’entreprise, d’autre font plutôt référence au développement personnel, quand certaines insistent plus sur la relation entre le coach et le coaché. En effet, il n’existe pas de réglementation de la profession ni de référentiel officiel mais plutôt quelques référentiels officieux liés aux différentes « écoles » du coaching. On relève également plusieurs voies conduisant au métier de coach dont aucune n’a été officialisée par les institutions (comme c’est le cas pour l’exercice de la psychologie par exemple).
Plutôt que de décliner différentes définitions, on peut reprendre les quatre principales orientations du coaching en France et donner leur propre définition. Selon Amélie Rouvin (« clés pour le coaching » éditions Maxima) les quatre principales orientations du coaching en France sont :

  • L’école de Transformance créé par Vincent Lenhardt, plutôt axée sur l’analyse transactionnelle. Pour lui, le coaching est un accompagnement qui s’apparente à celui d’un entraîneur vis-à-vis d’un champion et qui comporte à la fois une philosophie, une attitude, des comportements, des compétences et des procédures pour libérer l’énergie potentielle chez les personnes. Cette école insiste sur la notion d’accompagnement qui sert de base à la construction de la relation et la notion de potentiel qui permet de développer l’individu.
  • L’école de la société française de coaching, créée en janvier 1997 pour fédérer les coachs et instaurer un label qualité. Pour la société française de coaching, le coaching est : « l’accompagnement d’une personne à partir de ses besoins professionnels pour le développement de son potentiel et de ses savoir-faire ». Cette approche s’intéresse principalement au champ d’application du coaching et lui donne une orientation professionnelle.
  • L’école de la programmation neurolinguistique qui reprend les travaux de la psychologie cognitive et de l’école de Palo Alto. Pour cette école, le coaching est un partenariat systémique qui s’appuie sur des actions et des informations en vue de développer le potentiel et les compétences pour une performance supérieure ou un rôle différent. Cette école cherche à proposer une méthodologie et des outils pour décoder la structure sous-jacente à nos comportements.
  • L’école du Dôjô, créé par Bernard Hévin et Jane Turner (auteurs du manuel du coaching chez Interéditions et de « fiches pour tout savoir sur le coaching » chez Bréal) le coach est : « Quelqu’un qui voit des opportunités là où d’autres verraient des obstacles. Les interventions du coach visent à ce que l’individu coaché trouve son équilibre et son épanouissement dans tous ses domaines de vie : personnel professionnel, familial, couple, social. Le coach aide le coaché à parvenir à un mieux-être, à une meilleure lucidité et à une compréhension plus fine de sa problématique personnelle pour lui permettre de reprendre contact avec ses ressources, d’envisager ses problèmes sous un autre angle, de découvrir des alternatives à sa conduite habituelle et générer de nouvelles options. Le coach stimule les ressources intellectuelles et affectives du coaché en l’accompagnant vers la finalité de la démarche de coaching : la réalisation de son projet de vie ».

D’autres définitions existent, se rapprochant souvent de celle de la société française de coaching comme celle du syndicat Syntec des conseils en évolution professionnelle : « le coaching c’est l’accompagnement d’un manager ou d’une équipe favorisant l’optimisation de leurs atouts humains et professionnels pour un meilleur exercice de leurs responsabilités au sein de leur entreprise ». Dans les parties suivantes de cet article, nous choisirons d’adopter plutôt la définition de la société française de coaching pour mieux examiner les relations qui existent entre coaching et management.
Mais s’il est difficile de le définir, il est aussi peu évident d’en tracer les contours, même si cette démarche peut sembler intéressante car elle permet de montrer quelles sont les figures voisines mais aussi différentes du coaching, que le coach peut parfois adopter dans certains cas et avec l’accord de son client.

Dans son livre « le métier de coach » (Editions d’organisation), François Délivré cherche à dresser une typologie des différents coachings et à cerner les qualités d’un coach professionnel. Il en ressort quatre éléments de l’identité professionnelle du coach qui sont :

  • l’identité interne : c’est ce qui appartient au coach et fait de lui une personne unique c’est-à-dire principalement son identité professionnelle, culturelle et sa structure psychologique.
  • les compétences professionnelles : c’est la technique au sens large du terme, principalement liée à l’écoute et au questionnement.
  • le statut : c’est la structure professionnelle adoptée par le coach (indépendant, salarié dans un cabinet, en coopération avec d’autre coachs).
  • la reconnaissance : c’est l’image que les autres ont du coach, principalement ses pairs et les professionnels en relation avec lui (DRH, dirigeants).

Cette précision nous amène à nous demander qui exerce la profession de coach en France. Il est très difficile de répondre à cette question car on ne trouve pas de diplôme officiel de coaching et plusieurs formations, parfois réputées, tentent d’instaurer des normes de qualité. Les coachs sont des praticiens d’origine de formations diverses. On peut trouver des anciens sportifs de haut niveau ou entraîneurs ayant accompagné des athlètes ou des équipes au palmarès éloquent, comme Edgar Grospiron (ancien champion du monde de ski acrobatique) ou Daniel Herrero, un des premiers à avoir introduit une certaine démarche de coaching dans le rugby. Les sports d’équipe utilisent d’ailleurs souvent l’appellation de coach pour recouvrir différentes significations qui s’éloignent du véritable coaching (entraineurs, sélectionneurs, préparateurs mentaux…). On est souvent dans le champ de l’intervention (voire du dirigisme !) et pas dans celui de l’accompagnement. On retrouvera une approche plus légitime dans la prise en charge de certains athlètes en sport individuel comme en triathlon par exemple. Le coach Renaud Meilland précise que son approche est « un accompagnement vers sa propre performance, d’un sportif, par ses propres moyens et en s’appuyant sur sa motivation intrinsèque ». On est bien dans une logique de coaching qui met en avant l’autonomie du coaché. On trouve aussi des psychologues de formation qui ont vu à travers le coaching une opportunité de diversification de leur approche même s’il est difficile pour eux d’adhérer complètement à un des principes du coaching ( la bienveillance, l’absence totale de jugement). On compte également des praticiens venus du champ des ressources humaines et beaucoup de conseils en recrutement. Certains, enfin, viennent directement du monde de l’entreprise où ils ont exercé des fonctions d’encadrement ou bien, comme on l’a vu plus haut, du sport de haut niveau, ce qui constitue une deuxième carrière pour eux. Bien souvent, ils utilisent leurs noms pour « entrer » dans l’entreprise et y proposer des prestations d’accompagnement de dirigeants parfois assez « creuses », souvent appelées des « ménages » et qui ne correspondent pas au processus du coaching. Si l’on exclut les autodidactes, on trouve bien souvent des praticiens aux parcours de formation solides (grandes écoles, cursus multiples…), qui s’appuient sur ces éléments pour être crédibles dans leur offre de services. On dénombre environ 4000 coachs professionnels en France dont une grande partie à Paris ce qui montre bien que l’activité est encore en phase de croissance. On peut néanmoins préciser, que peu d’entre eux ne vivent que du coaching, cumulant la plupart du temps deux ou trois activités (conseil en organisation et coach ou coach et psychologue...). Enfin on dénombre plusieurs milliers de formateurs qui pratiquent de temps à autre des prestations de coaching. Cette croissance un peu anarchique et mal maîtrisée a conduit certaines associations de coachs à se demander si le coaching n’allait pas évoluer vers une simple activité « d’enseignement et de formation », au détriment de sa fonction d’origine qu’est l’accompagnement. Ainsi, le coach est-il bien souvent un professionnel venant de fonctions diverses et c’est ce qui fait parfois sa richesse mais aussi qui peut amener une relation complexe avec le coaché ; le coach adoptant différentes postures lors de l’accompagnement.
On peut se demander alors quelles sont ses postures, ce qu’elles peuvent amener à la prestation coaching et surtout en quoi elles diffèrent du coaching. Dans différents ouvrages écrits par des coachs, les auteurs cherchent à comparer le coach et les différents types d’intervenants en entreprise. Dans son livre « comment coacher ? » (Éditions d’organisation), Eléna Fourès compare le coach au conseil en management, à l’expert, au mentor, au psychothérapeute de l’entreprise et au gourou. Dans son séminaire d’enseignement de l’université de Paris 2, Thierry Chavel développe de manière approfondie les différences entre le coach, le tuteur et le mentor. Une confusion est souvent pratiquée entre le coaching et le mentoring ou mentorat. Il faut rappeler l’origine du mentor pour bien comprendre la différence. Ulysse avait confié à Mentor, précepteur de Télémaque, l’éducation de son fils, en lui demandant de l’accompagner et de lui appendre tout ce qu’il savait. Dans cette relation, l’un sait et l’autre non, l’un a l’expérience quand l‘autre débute. Ce mode d’accompagnement est déjà très utilisé dans les grandes entreprises de conseil anglo-saxonnes, où un « junior » est « pris en charge » par un « senior », qui « déteint » le plus souvent sur lui. On est loin de la logique du coaching qui privilégie une approche centrée sur le coaché et une recherche de l’autonomie pour se développer. Pour bien illustrer les effets pervers de la relation de mentoring on pourra toujours se référer au très bon film de JM Montoussé, « Violence des échanges en milieu tempéré » qui raconte les débuts d’un jeune consultant flanqué d’un mentor, dans le monde du conseil.
La nuance est plus difficile à opérer avec le tutorat, car ses intentions de départ sont assez proches du coaching. En effet, le tuteur « aide à grandir » et accompagne le tuteuré jusqu’à ce qu’il soit autonome. Cependant, son utilisation au niveau professionnelle s’est presque toujours accompagnée d’une évaluation, parfois fondamentale qui peut biaiser la relation de confiance et obliger le tuteuré à « jouer un rôle » et se développer comme on souhaite qu’il se développe de manière institutionnelle. Enfin on peut parfois être tenté de rapprocher le coaching de la psychothérapie, surtout dans la mesure où de nombreux psychothérapeutes sont devenus coachs. Même si ces deux approches font partie de la relation d’aide, les méthodes d’intervention sont très différentes. Sans rentrer dans les détails, on observera souvent une approche centrée sur le passé et l’histoire de la personne qui amorce une thérapie, quand le coaching travaillera sur le présent et surtout en direction du projet et de l’objectif.
Pour finir, il faut évoquer la figure « extrême » du gourou qui apparaît parfois lorsque la relation n’est pas claire ou dans certains contextes particuliers, où le « coaché » est faible et influençable. La tentation de manipulation peut alors exister, et le pseudo coach profite du coaché en devenant tout puissant et irremplaçable à ses yeux, pour mieux en abuser. C’est pour cela que toutes les associations et sociétés de coachs ont institué des codes de déontologie et que le coach se doit d’être supervisé pour éviter tout dérapage et rester dans la relation d’accompagnement.
Pour illustrer ces différentes postures une carte perceptuelle croisant l’axe de l’objectif du client (entre changement et reproduction) et celui de la méthode utilisée a été réalisée par l’auteur pour l’obtention de son DU « coaching » de l’Université de Paris 2.(entre soumission et catalyse). On peut donc voir que la figure la plus proche du coaching serait celle du tuteur et qu’on retrouve des modes d’intervention (comme le conseil ou la thérapie) qui peuvent laisser penser que l’on répond à la même demande du client, la méthode et les outils utilisés seront par contre complètement différents. Enfin, dans le quadrant opposé, on retrouve les figures de l’expert et du mentor, qui prennent le contre-pied de celle du coaching et bien entendu la figure extrême du gourou.

Nous avons vu la définition du coaching et précisé ce qui n’est pas du coaching. Nous pouvons alors nous poser la question de savoir ce qu’il peut apporter en management, c’est-à-dire son utilité réelle mais aussi ses limites.

 Deuxième partie : de l’utilité du coaching en management

Après quelques articles élogieux au moment de l’expansion du coaching en France, au début des années 90, ont succédé des articles plus mitigés parfois très critiques sur les dérives et les résultats peu probants de certains coachings. Il ne s’agit pas ici de critiquer ce qui a été écrit mais bien d’adopter une posture objective en montrant l’utilité réelle du coaching en management mais aussi en traçant ses limites.

2.1. Le coaching, des outils et des modalités pour une réelle utilité en management

Quoi qu’on en pense, le coaching possède ses propres outils et surtout des modalités d’intervention particulière. Dans la tentative actuelle de mise en place d’une structuration professionnelle, les grandes associations et sociétés représentatives présentent les modalités suivantes comme incontournables. Tout d’abord il faut un contrat entre le coach et le coaché. C’est un véritable contrat commercial dans lequel le prix mais également l’objet et le cadre sont particulièrement bien définis. Ce contrat peut même être tripartite lorsque le prescripteur et donc le payeur est l’entreprise. Tout est défini dans ce contrat, du nombre de séances à l’objectif à atteindre, ainsi que la déontologie à respecter. C’est d’ailleurs la deuxième modalité, qui est le cadre institutionnel dans lequel le coaching s’exerce, avec des règles précises qui permettent de maintenir le cadre. On notera l’importance du lieu où se déroulent les séances, le plus neutre possible ; ainsi que l’importance de la notion de responsabilité réciproque, avec une obligation de moyen qui pèse sur le coach. Bien entendu, le coach s’interdit d’intervenir dans l’environnement du coaché et doit respecter la confidentialité des échanges. La nécessaire neutralité du coach pose le problème, étudié plus en détail dans la troisième partie, de la posture du manager coach. En effet, de plus en plus d’entreprises ont recours à des coachs internes, salariés de l’entreprise et qui doivent des comptes sur leurs actions et leurs « résultats ». Ce sujet fait débat au sein des sociétés et associations de coaching, certains pensent que le coach interne et a fortiori le manager coach ne peuvent pas disposer, de par leur position dans l’entreprise, de la neutralité nécessaire à l’action de coaching. Plutôt que de parler de modalités, certains spécialistes du coaching préfèrent parler de fondamentaux. Pour François Délivré (in « le métier de coach ») il en existe sept qui sont l’analyse de la demande, la maîtrise des contrats, la technique du diagnostic, la position du cadre de référence, le processus du coaching avec son contenu et son sens, la maîtrise du changement et du deuil et enfin la prise en compte du transfert et la recherche de l’autonomie du coaché. Bernard Hévin et Jane Turner préfèrent parler de compétences spécifiques (in « manuel de coaching »). Ses compétences sont avant tout relationnelles. Il s’agit de la compétence d’observation, de celle d’accompagnement et de la capacité à autonomiser le coaché en se fondant essentiellement sur les capacités d’écoute et de questionnement.
On peut également tenter une entrée par les compétences telle que celle mise en place par la société française de coaching qui a créé en 2006 un véritable référentiel de compétences (http://www.sfcoach.org/infos_coaching/refere.htm). On retiendra sept compétences clés qui sont articulées autour de trois pôles, celui de l’identité professionnelle, celui des pratiques et celui du cadre de référence. Ainsi, le coach doit-il savoir structurer la relation, accompagner le coaché dans son changement, utiliser les modalités de communication, élaborer une offre professionnelle de services et travailler sur la demande (cinq domaines d’activité de base). Il devra également maîtriser les savoirs et références et mener un travail sur soi (deux domaines d’acquis et ressources). La société française de coaching ne précise aucun outil particulier, il est simplement fait référence à la maîtrise de l’outil et à la façon de s’en servir. Ce qui distingue le bon coach c’est la créativité qui va lui permettre d’utiliser un ou plusieurs outils au service de l’accompagnement du changement du coaché.
En termes d’outils, il ne s’agit pas de mettre en avant certains outils plutôt que d’autres. Mais on peut constater statistiquement que certains reviennent le plus souvent. On citera tout d’abord l’analyse transactionnelle qui permet au coach de mieux comprendre le coaché, et les enjeux du changement le plus souvent à travers les scénarii et injonctions. Cette approche développée par Éric Berne dans les années 50 a le mérite de permettre le maintien et le développement de la communication interpersonnelle. De nombreux coachs sont sensibilisés voire formés de manière approfondie à ces concepts. La programmation neurolinguistique est également beaucoup utilisée par les coachs, là encore pour mieux percevoir l’autre mais également travailler la nécessaire congruence avec le coaché. L’analyse systémique est aussi un outil intéressant permettant de percevoir un individu dans sa globalité. On peut également citer l’analyse comportementale surtout maîtrisée par les coachs issus du corps des psychologues. Dans son ouvrage « devenir coach », Karine Darmon distingue les outils d’aide à la compréhension (ce que l’on vient de citer précédemment) et les différents tests de la personnalité, comme le 360 °, le MBTI ou encore le SOSIE. Elle insiste également sur les méthodes d’écoute active. On peut également citer un outil qui revient souvent aujourd’hui qui est la Process Communication, théorie dérivée de l’analyse transactionnelle et qui présente la structuration de la personnalité en plusieurs « étages ». On doit cette théorie à Thaibi Khaler, célèbre analyste transactionnelle. Lorsqu’on étudie les pratiques des coachs professionnels, on se rend compte qu’ils maîtrisent particulièrement une ou 2 techniques ce qui va d’ailleurs générer des approches parfois différentes et particulières de coaching.
C’est justement à partir de ces approches qu’on peut rechercher les résultats potentiels, surtout dans le cadre managérial. Si les perspectives sont séduisantes, les résultats ne peuvent être que conditionnés à un certain professionnalisme.
Dans un des premiers ouvrages sur le coaching, écrit par l’un de ses initiateurs aux USA, John Whitmore (« coaching » aux éditions Maxima), L’auteur se demande si « le patron peut-il être un bon coach ? ». La réponse de l’auteur est affirmative mais conditionnelle. Il s’agit de faire preuve de certaines qualités, comme l’empathie, l’intégrité, l’objectivité, le détachement et le désir de changement fondamental. On se retrouve alors forcément dans un mode de management particulier, plutôt orientée vers le collaborateur (si l’on utilise la représentation de Tannembaum et Schmidt) qui disposera des clés pour changer.Dans son article « le coaching, mode ou innovation managériale ? » tiré du grand livre du coaching (éditions Eyrolles), Philippe Vernazobres utilise d’ailleurs cette représentation pour identifier 5 niveaux de développement du coaching en entreprise. On passe du niveau 1 (absence de coaching) au niveau 5 (intégration du coaching au système de management). Il précise également que cette conception est plutôt l’œuvre des auteurs anglo-saxons et se répand avant tout dans des filiales françaises de grosses entreprises étrangères. Pour Amélie Rouvin (« clefs pour le coaching » éditions Maxima), adopter l’attitude du coach est réellement profitable pour tous les managers. Il s’agit de gérer le paradoxe qui consiste à être à la fois le responsable hiérarchique et le coach de son équipe. La position est réellement ambiguë et difficile à tenir au quotidien. Cependant, elle permet de consonantes relations qui invitent le collaborateur à prendre progressivement conscience des obstacles qui brident son capital de performance et à les surmonter pour mieux changer. Dans cette optique, le manager coach cherche à faire adhérer les membres de son équipe à la mission qu’il a préalablement définie avec eux, et il doit rendre visibles les objectifs de l’équipe pour faciliter le travail de changement. Les techniques d’écoute et l’approche relationnelle facilite la performance à condition de respecter quatre qualités, selon Amélie Rouvin :

  • L’équilibre : le manager doit être ouvert à toutes les idées il doit questionner et partager les informations, même si c’est lui qui prend l’initiative et décide.
  • La spécificité : toutes les discussions se focalisent autour de la notion de performance, tout en prenant en compte la spécificité de chacun des membres de l’équipe pour construire une solution commune.
  • La co-responsabilité : elle est partagée avec le collaborateur.
  • Le respect : c’est un des fondamentaux du coaching, qui doit s’appliquer dans la relation de management, en particulier à travers la reconnaissance, mais également la façon de développer les solutions. Le manager n’impose jamais d’action mais permet au coaché de prendre du recul et de décider de modifier lui-même son comportement.

Au total, être manager coach c’est renoncer à l’attitude directive pour mettre en place une logique coopérative favorisant l’autonomie des coaché.
Si l’on cherche à énoncer les résultats concrets d’une telle attitude, on peut dire que le coaching permet :

  • D’optimiser la performance du collaborateur ou de l’équipe.
  • De faciliter un climat de travail et de respect, intéressant pour le développement de l’équipe
  • De mieux permettre la conduite du changement, surtout dans les situations difficiles.
  • De favoriser le développement personnel des collaborateurs.

Dans son ouvrage majeur, « profession : coach », Thierry Chavel précise l’intérêt d’une posture de leader coach. Dans la lignée du manager participatif, celui-ci présent une attitude à prendre en charge une mission nouvelle pour l’entreprise, un sens pédagogique pour fédérer les autres mais aussi un enthousiasme entraînant. Il permet également de respecter les individus pour mieux rechercher les solutions innovantes. Thierry Chavel le préconise en cas de changement ambitieux mais il précise qu’il est plutôt développé dans certaines cultures d’entreprise. Guillaume Pratte (« le grand livre du coaching ») précise que les managers coachs peuvent être porteurs de la culture du développement et favoriser sa diffusion dans un univers encore orienté vers l’évaluation. Cette approche du coaching permettrait de tirer parti de vocation interne au développement des autres et de mettre en place une véritable culture du développement. Au total, les résultats seraient réels mais à condition de mettre en place une véritable démarche de coaching dans le respect de ses fondamentaux et avec un certain professionnalisme, ce qui pose le problème de la formation du manager en coaching.

2.2. Ce que l’on ne peut pas faire avec le coaching en management

À la lecture des développements précédents, on peut se demander pourquoi certains managers hésitent encore à se « convertir » au coaching ! En analysant les nombreux articles dans la presse spécialisée et les écrits des spécialistes de la question, on peut avancer plusieurs réponses. Thierry Chavel pour présenter le coaching interne parle de « bonnes intentions sous de mauvais auspices ». La contradiction qui se présente au manager coach rend son approche particulièrement délicate. Il est pris dans des logiques organisationnelles et un mode de subordination, mais aussi des inconvénients manifestes par rapport au coaching externe. Le manager coach n’aurait en aucun cas le regard externe nécessaire et distancié par rapport aux caractéristiques de l’entreprise. Il serait plus un « plombier » qu’un architecte, plus occupé à résoudre des problèmes concrets liés à la gestion de son équipe plutôt que de travailler sur le développement personnel à long terme. Sans compter la difficulté de superviser les managers coachs et d’éviter qu’ils deviennent un « instrument du pouvoir. Ainsi, la tentation est grande pour les entreprises de faire de leur manager coach un « œil de Moscou ». On pourrait prendre le cas des entretiens d’évaluation et de ses différentes techniques avec la nécessaire remontée d’informations vers la hiérarchie. Un manager qui accepterait cette approche renoncerait à celle de coaching. Un autre risque se présente avec le développement du coaching comme mode managériale. Il s’agit du mythe de la toute-puissance, qui consisterait à voir le coaching comme une méthode qui permet de guérir ce qu’on a pu traiter avec d’autres méthodes. L’entreprise qui aurait financé des formations à ses managers attendrait des résultats spectaculaires. Là encore, si l’on connaît bien le coaching, et qu’on évite de le confondre avec les pseudos pratiques qui portent son nom dans les médias, on ne peut s’attendre à aucun résultat à l’avance. Enfin, de nombreuses entreprises ont confondu coaching et thérapie et se sont mises à « flanquer » les cadres à problèmes d’un coach qui aurait pour mission de traiter leur pathologie et de remonter les résultats de ce traitement ! Là encore c’est un non-sens, car il faut savoir détecter les problématiques qui relèvent du coaching de celles qui relèvent de la thérapie. Dans une conférence récente (Octobre 2008) donnée à la Sorbonne sous l’égide de la société des coachs de l’université de Paris 2 et du CNAM, Vincent Lenhardt, un des précurseurs du coaching en France, également psychothérapeute, procède à la distinction entre le coaching et thérapie (voir article sur :http://www.scoupuniversite.org/viewtopic.php?topic=135&forum=17).
Selon lui, le coaching serait utile dans un contexte unique, avec un besoin identifié, une envie de progresser et un objectif défini. Une thérapie serait nécessaire en cas d’émergence d’une problématique liée à la vie privée, d’une difficulté personnelle et d’un mélange de contextes. Dans « le Grand livre du coaching », Jean Touati se demande si il existe une place pour une pratique psychothérapeutique dans le coaching. Pour lui, les théories de l’organisation représentent des bases théoriques indispensables à la compréhension des dimensions humaines et organisationnelles de la vie des entreprises. Le coaching, avec ses outils de gestion de la relation et d’activation du changement se constituerait sur des modèles thérapeutiques, en particulier la thérapie brève et la psychologie humaniste. Cependant, alors que le thérapeute répondrait à une demande liée à une difficulté pathologique, le coach lui répondrait plutôt à une demande d’amélioration d’une performance professionnelle. Certes, les effets thérapeutiques du coaching sont toujours présents mais ce n’est pas son objectif de départ. En fait, on pourrait dire que l’action du coach s’arrête là où celle du thérapeute commence, et qu’un bon coach doit savoir à quel moment le coaché est sorti de la relation initiale et présente une demande de thérapie. Dans les différents codes de déontologie de la profession, il est prévu de pouvoir stopper un coaching lorsque la demande du client est thérapeutique. Dans l’article du magazine « management » de septembre 2003 intitulé « coaching : attention aux dérapages », de nombreux exemples de dérives liées à de mauvaises prestations de coaching en entreprise sont présentés. On relève par exemple qu’un coach suivait comme son ombre le PDG d’un grand groupe chimique jusqu’à devenir irremplaçable mais également jusqu’à décrédibiliser l’action du PDG. Sans compter les dérives sectaires qui se sont développées au moment de l’apparition du phénomène, puisque le coaching n’est pas réglementé. Ces dérapages sont souvent le fait de l’entreprise puisque le trio complexe qui est formé par le coaché, le coach et l’employeur génère souvent des abus d’influence et des manipulations.

Après avoir examiné l’intérêt du coaching pour le manager mais aussi ses limites, il peut être intéressant de chercher à savoir vers quoi il peut évoluer en particulier au niveau de l’encadrement intermédiaire sur lequel repose une pression de plus en plus importante.

 Troisième partie : le coaching, quelles évolutions possibles en management ?

Il ne s’agit pas d’évaluer toutes les évolutions possibles du coaching mais bien de se centrer sur la figure de plus en plus revendiquée dans l’entreprise de « manager coach ». Que doit-il être ? Et quelles sont les conditions de diffusion efficace du coaching au niveau managérial ?

3.1. Vers un véritable « manager-coach »

Nous avons vu plus haut que la démarche du coaching pourrait permettre d’obtenir des résultats intéressants en termes de gestion d’équipe et de travail d’accompagnement vers la performance et le changement. On pourrait chercher à aller plus loin en examinant les apports possibles pour l’entreprise d’un management entièrement orienté autour du coaching. Dans la troisième partie du « Grand livre du coaching », Patrick chauvin développe la posture du leader coach. Il estime que le rôle du manager a évolué et qu’on lui demande d’intégrer désormais une dimension humaine et émotionnelle. Après avoir défini ce qu’était un manager et montré comment se forment de plus en plus les managers à des techniques qui sont utilisées par les coachs comme l’analyse transactionnelle, la P. N. L. ou le MBTI ; Patrick chauvin se pose la question de l’efficacité de ces démarches. Il relève que le manager a un objectif unique qui est la performance de l’organisation et que pour atteindre cet objectif il peut jouer plusieurs rôles et intégrer des postures de coaching. Sans revenir sur l’intérêt évoqué plus haut des différentes techniques du coach, on peut examiner l’intérêt de la posture de leader coach qui permettrait d’allier l’impact du coaching et certains leviers du management. Pour Patrick chauvin, le leader coach pourrait aller plus loin que le coach puisqu’il est responsable des résultats de son équipe et est capable d’offrir des opportunités pour ses collaborateurs. Un véritable élargissement des compétences et une prise de responsabilité individuelle pourraient découler de cette démarche. Cela faciliterait les changements de type 1, c’est-à-dire les évolutions et adaptations sans modification de l’équilibre initial. Le manager serait non plus détenteur de la solution mais révélateur de cette solution, en particulier grâce à son action de leader. Cette posture aurait un double mérite qui serait de répondre à un besoin d’un engagement différent dans les entreprises mais également de faciliter le développement des collaborateurs et du manager en accordant toute sa place aux différentes personnalités. Sans compter, que le manager coach formé aux méthodes du coaching saurait identifier les limites qu’il ne faut pas franchir. Dans un article daté de 2003 publié sur le site qualiteonline.com (http://www.qualiteonline.com/rubriques/rub_3/dossier-58.html), Karim Hadamache se montre particulièrement enthousiaste à propos de cette posture qui apporterait un nouvel état d’esprit dans l’entreprise et favoriserait la création d’un environnement d’apprentissage, de réflexion indépendante et de contribution au développement de l’organisation. Il développe huit conditions pour devenir un bon manager coach, en insistant particulièrement sur l’écoute, le développement les atouts de chaque employé et la mise en avant de la réussite. Il préconise aussi l’engagement de l’équipe et le partage pour la prise de décision en renonçant à tout autoritarisme.
Dans son ouvrage « comment coacher », Eléna Fourès consacre un chapitre entier au savoir faire et savoir-être du manager coach efficace. Elle précise qu’il s’agit de délimiter clairement le cadre et la déontologie et surtout de s’abstenir de tout jugement afin de développer une nécessaire congruence avec les collaborateurs. Il s’agit également de promouvoir l’effet Pygmalion et de chercher à croire en l’autre. Il faudra également éviter de se projeter dans la situation du coaché et déjouer toute manipulation pour conjuguer le pouvoir du manager avec la neutralité du coach. Il faudra surtout bien respecter le principe de séparativité des territoires pour éviter le coaching « sauvage », ou la reprise de dessus du manager en cas d’injonction de l’entreprise (en particulier s’agissant de l’évaluation du collaborateur). Amélie Rouvin, dans son livre « clefs pour le coaching », précise que le manager coach doit travailler dans le respect avec la volonté de jouer gagnant-gagnant pour développer l’intelligence collective de son équipe grâce à la responsabilisation des acteurs.
En fait, le manager coach présenterait un certain nombre de postures intéressantes dans le cadre du développement de l’entreprise :

  • Ce serait un manager développeur de compétences.
  • Ce serait un véritable manager accompagnateur pour des collaborateurs dans des contextes de plus en plus incertains.
  • Ce serait un manager facilitateur, permettant l’optimisation de la performance.
  • Ce serait surtout un manager à l’écoute.

Cette dernière approche est mise en avant par le professeur Pierre Angel qui dirige la formation de coaching à l’université de Paris-VIII. Pour lui, le manager coach devra changer sa façon de travailler en modifiant son niveau d’écoute et en s’interrogeant un peu plus sur ce qu’il ressent au lieu de s’intéresser uniquement au contenu, processus ou vision stratégique. Il utilisera ainsi des entretiens avec les règles de confidentialité et de respect en suivant les techniques du coaching, en particulier le feed-back.
Dans un mémoire entièrement consacré à la fonction de manager coach, Anne-Laure Delalandre (mémoire ESCP 2004) démontre que la fonction de manager acquiert une nouvelle dimension. Elle consacre une partie entière aux enjeux du manager coach. Elle développe en particulier la méthodologie CLEAR (contact, listening, explore, action, review) qui permet une progression continue des performances de l’équipe avec un manager coach qui amène ses collaborateurs à se poser les bonnes questions, les aide à progresser par eux-mêmes, fixe un objectif commun en respectant les différences et multiplie les feed-back pour rester au contact de son équipe. Le manager coach serait un facilitateur qui aiderait à déléguer, à mieux communiquer, à mieux motiver et surtout à mieux animer. Certaines entreprises en tiendraient d’ailleurs compte lors de leur recrutement (par exemple Shell). Elle préconise donc une solide formation coaching pour ces managers.
Le Syntec, syndicat des conseils en évolution professionnelle a fait procéder à plusieurs enquêtes dans les entreprises pour évaluer les situations dans lesquelles le coaching peut être recommandé. Les résultats montrent que les entreprises attendent du coaching une amélioration du leadership, du style de management, un élargissement des responsabilités ainsi qu’une amélioration du fonctionnement de l’équipe. Le coaching est également plébiscité en cas de prise de poste et d’accompagnement dans les changements d’entreprise.
Cette posture est donc particulièrement utile tant au niveau du management interpersonnel que celui du management d’équipe. Pour le professeur Pierre Angel, il serait particulièrement utile dans la résolution de conflits ainsi que dans l’accompagnement à la demande d’un collaborateur. Au niveau collectif, on en retrouvait l’utilité en cas de changement majeur (fusion…), ou de grosses difficultés (perte de marchés, gestion de crise...).
L’intérêt de cette approche ne peut se comprendre qu’à condition de la mettre en place d’une certaine manière. Il faudra d’abord former les managers volontaires en ayant au préalable vérifié que leur approche du management n’était pas incompatible avec cette posture. En effet, ceux qui considèrent le management comme une relation uniquement hiérarchique basée sur le commandement et le respect des consignes peuvent difficilement rentrer dans ce schéma nouveau. Ensuite il faudra « digérer » cette formation, car on n’apprend pas à être coach, on le devient plutôt. Et ce peut être long pour certains ! Donc l’entreprise qui investira dans une formation ne peut pas exiger des retombées immédiates, c’est-à-dire une mise en place des techniques de coaching et des résultats à court terme. On peut donc se demander quelle peut être la place du manager coach en entreprise ?
Pour y répondre il faut d’abord distinguer les effets respectifs du coaching interne de ceux du coaching externe. Il faut ensuite savoir si l’on se contente de sensibiliser les acteurs aux méthodes du coaching ou si l’on met en place des managers coachs. Une voie intermédiaire existe qui consiste à former des coachs internes dans certaines entreprises pour pouvoir intervenir avec les salariés de ces entreprises. On retrouve cette approche dans de grandes entreprises françaises comme l’EDF, la SNCF, la poste. La direction des ressources humaines intègre ces coachs, les forme et les met à disposition le plus souvent dans le cadre de programmes de formation de développement des salariés. Dans « le Grand livre du coaching », Charles De Testa présente l’expérience du coaching interne chez IBM qui s’est développé en trois étapes avec une diffusion vers le bas, en mettant l’accent sur l’accompagnement de la performance des managers et de leurs équipes. À la conjonction de trois approches (business, individu et équipe), on trouverait la valeur ajoutée du coaching à travers l’objectif de succès. Le coaching permettrait de supporter le changement dans le cadre d’une stratégie globale donc intégré à l’entreprise. Il termine son article par une métaphore intéressante qui présente le coaching comme « antivirus » des entreprises du troisième millénaire car il permet aussi bien de garder un terrain favorable et de « vivre en bonne santé » que d’intervenir en situation de crise. Cependant, il faudrait bon compte certaines limites pour mieux diffuser le coaching au niveau managérial.

3.2. Les limites à gérer et les conditions de diffusion du coaching au niveau managérial, en entreprise

L’étude de nombreux articles permet de montrer que si la posture de manager coach paraît séduisante, elle est également incomplète car elle néglige certains aspects managériaux. En effet, elles s’appuient trop sur l’empathie et l’affectif en n’oubliant la dimension de responsabilité. Cette dimension, représentée par l’état parent de l’analyse transactionnelle, utilise la fonction de jugement mais aussi celle d’évaluation (à travers l’état de parent normatif). Or, l’un des fondamentaux du coaching repose sur l’absence de tout jugement. C’est pourtant une des fonctions du manager en particulier lors des entretiens d’évaluation. La notion de performance pose également le véritable problème car sa mesure est proposée par l’institution le plus souvent de manière quantitative quand elle est plutôt qualitative et personnelle dans l’approche liée au coaching. Le manager est responsable des résultats de son équipe, il est donc « pris au piège ». Un autre problème est lié à ce que Thierry Chavel appelle « l’irruption du secret en coaching ». C’est un des fondamentaux du coaching et il s’accommode mal avec le nécessaire reporting lié au management de l’équipe en entreprise. D’autre part, les entreprises utilisent souvent le coaching comme méthode qui permettrait de traiter des dysfonctionnements multiples et surtout de « soigner » les boucs émissaires responsables de ces dysfonctionnements. Cela ne respecte pas du tout les principes de base du coaching.
Les contextes organisationnels sont souvent peu favorables à la diffusion du coaching dans l’entreprise. Même si elle s’en défend, l’entreprise a parfois encore une organisation classique basée sur un schéma pyramidal. La culture d’entreprise peut être défavorable au coaching avec des modèles de réussite imposés et assez rigides. Des enquêtes fréquentes démontrent que certaines entreprises ne croient pas du tout au coaching. Elles préfèrent utiliser d’autres approches plus classiques, comme le consulting ou le recours à des experts ou à des mentors (comme dans les entreprises de conseil).
Enfin, certains principes de base du coaching seraient extrêmement difficiles à respecter dans le cadre organisationnel par des coachs internes ou des managers coachs. Nous les avons précisés plus haut, il s’agit de l’absence de jugement, de la confidentialité, mais également de la double loyauté ; paradoxe délicat à respecter puisqu’il s’agit d’être loyal vis-à-vis du coaché tout en l’étant vis-à-vis de l’entreprise qui nous emploie en tant que manager. Cette position soulève beaucoup d’interrogations, surtout quant à la position à la fois de juge et partie et aux enjeux de la fonction. Enfin, il est des situations où on ne peut absolument pas pratiquer une approche du coaching. Le professeur Pierre Angel relève en particulier la rebellion, la faute, la tricherie, les conflits d’objectifs ou d’intérêt ainsi que l’approche de problèmes de nature psychologique comme le manque de confiance en soi. De plus, si le problème est un différend entre le collaborateur et un de ses pairs, le manager qui est en situation d’arbitrage ne pourra adopter une posture de coach. Il est délicat également d’envisager une supervision par un autre coach comme il est d’usage dans les pratiques de coaching, pour le manager. Il n’est donc pas adapté à toutes les situations d’entreprise.

Paradoxalement, alors que le nombre de coachs augmente, le coaching tend vers une pratique plus professionnelle que résument bien Jane Turner et Bernard Hévin dans leur livre « 50 fiches pour tout savoir sur le coaching ». Ce serait aujourd’hui un véritable métier au sens de Guy Le Boterf avec :

  • Un corpus de savoir-faire et de savoirs.
  • Un ensemble de règles morales.
  • Une identité permettant de se définir socialement (et donc d’être reconnu comme coach).
  • Une perspective d’approfondir ses savoirs et savoir-faire par l’expérience accumulée.

En même temps, les sociétés et associations de coachs les plus représentatives cherchent à définir et réglementer la profession, en particulier par des référentiels de compétences (voir plus haut avec celui de la SFC), des codes de déontologie et des formations assez longues et sélectives (de type universitaire parfois comme à Paris 2, Paris huit ou Aix-Marseille). Cela pourrait permet d’éviter la pratique occasionnelle du coaching, qui couplée avec le nouveau statut d’auto-entrepreneur, submergerait le marché avec des cadres en mal de reconversion. On pourrait donc s’attendre à une évolution à court terme dans deux directions ; la première vers une véritable structuration de la profession qui arriverait à maturité, avec des cursus définis et des conditions d’exercice et de reconnaissance assez strictes et la deuxième évolution qui marquerait le développement de formations courtes au coaching pour les managers afin qu’ils puissent enrichir leur pratique vers une approche plus relationnelle, mais avec les limites que nous avons énoncées plus haut. Il existerait donc différents « degrés » de coaching avec un passage de main du manager coach vers le coach externe en cas d’accompagnement particulier et dans le cadre de véritables missions de coaching respectant tous les fondamentaux de cette approche. À ces conditions, on pourra séparer le bon grain de l’ivraie, assainir une profession qui se cherche et garder le meilleur du coaching.

 Bibliographie de base et ouvrages cités dans l’article :

  • Le grand livre du coaching (sous la direction de Franck Bournois, Thierry Chavel et Alain Filleron ) éditions Eyrolles
  • Le métier de coach (François Delivré) éditions d’organisation
  • Profession coach (Thierry Chavel ) Démos éditions
  • Clés pour le coaching (Amélie Rouvin) éditions Maxima
  • 50 fiches pour tout savoir sur le coaching (Jane Turner et Bernard Hévin) éditions Bréal
  • Devenir coach (Karine Darmon) éditions studyrama
  • Manuel de coaching (Jane Turner et Bernard Hévin) éditions Dunod
  • Coaching (John Whitmore) éditions Maxima
  • Coaching mode d’emploi (Rafal et Emmenecker ) éditions Marabout
  • Le coaching en 5 étapes (Slim Lambert) éditions Ellipses
  • Le coaching démystifié (Thierry Chavel) éditions Démos
  • Comment coacher (Elena Fourès) éditions d’organisation
  • Le manager coach (Gautier et Vervisch) éditions Dunod
  • Les responsables porteurs de sens (Vincent Lenhardt ) éditions INSEP

 Articles de magazine :

  • « Changer, faites vous coacher ! » Entreprendre Mai 2008
  • « Ils ont fait appel à un coach » l’Entreprise Janvier 2009
  • « Coaching, attention aux dérapages ! » Mangement septembre 2003
  • « Devenir coach, pas si simple ! » Management Janvier 2003
  • « Coaching, les créneaux qui marchent » Courrier Cadres Novembre 2004

 Articles trouvés sur internet :

  • « Le manager-coach et la différence entre coaching et management » (Moral et Angel) sur Mediat coaching (extrait de « coaching, outils et pratiques » aux éditions Armand Colin de Pierre Angel
  • « Qu’est-ce que le coaching ? » par Christian Husson sur adequate.fr Conférence de Vincent Lenhardt donnée en Sorbonne en Octobre 2008 sur http://www.scoupuniversite.org/viewtopic.php?topic=135&forum=17) (compte-rendu de Stéphane Jacquet pour la société des coachs de Paris 2)
  • Mémoire pour le diplôme de l’ESCP d’Anne-Laure Delalandre (mémoire ESCP 2004)
  • Le manager coach par Karim Hadamache http://www.qualiteonline.com/rubriques/rub_3/dossier-58.html)

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Coaching et management

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