Les créanciers et la pérennité de l’entreprise Article 1

, par Michelle Graziani

Le transporteur de colis Mory Ducros, FagorBrandt, ex-fleuron de l’électroménager, les abattoirs Gad, le chimiste Kem One, Virgin Megastore, chaîne de distribution de biens culturels, le voyagiste Fram…, autant d’entreprises implantées en France, qui se sont retrouvées, ces dernières années, en situation de « faillite » ! Et, tandis que la presse se faisait l’écho des difficultés que rencontraient ces grands groupes, compte tenu de leur poids dans l’économie, elle passait sous silence les nombreux dépôts de bilan qui, dans le même temps, touchaient plus particulièrement les TPE, les ETI mais aussi quelques PME de taille modeste, toutes fortement exposées, et donc plus vulnérables, aux aléas de la conjoncture économique. Pour autant, même si ces entreprises, inconnues du grand public, n’ont fait alors l’objet d’aucune médiatisation, il n’en demeure pas moins que leur importance dans le tissu économique français est incontestable au regard de leur nombre, de la part qu’elles occupent dans l’emploi et dans la création de valeur ajoutée !

Selon les chiffres publiés par le cabinet d’études Altarès, la France a enregistré, au quatrième trimestre 2015, une augmentation des défaillances d’entreprises. Entre septembre et décembre 2015, 15 914 dirigeants d’entreprises se sont déclarés en faillite soit 1,6 % de plus qu’un an plus tôt. Dans le même temps, les liquidations judiciaires ont augmenté de 2,5 % et les redressements judiciaires de 0,9 %. Sur l’ensemble de 2015, le nombre de déclarations de cessation des paiements s’est élevé à 63 081 contre 62 586 en 2014, soit une progression de 0,8 %.

Il ressort, de ce triste constat, que les entreprises, quels que soient leur taille, leur âge, leur secteur d’activité, leur(s) métier(s) ou bien encore leur forme juridique, ne sont jamais assurées, durant leur parcours, d’être à l’abri d’une crise qui, si elle survenait, pourrait menacer gravement leur pérennité.

Selon l’Insee, l’entreprise se définit comme étant « la plus petite combinaison d’unités légales qui constitue une unité organisationnelle de production de biens et de services jouissant d’une certaine autonomie de décision notamment pour l’affectation de ses ressources courantes ». Pour exister juridiquement, l’entreprise doit se doter d’un statut juridique, les formes juridiques les plus répandues étant les structures individuelles (entreprises individuelles, micro-entreprises, EIRL) particulièrement adaptées aux professions libérales, aux artisans, aux commerçants et aux agriculteurs, les sociétés de personnes (Société civile, SNC, SCS, EURL), les sociétés par actions (SA, SAS, SASU, SCA) et la SARL qui se différencie des autres sociétés par son caractère hybride, regroupant à la fois les caractéristiques d’une société de personnes et celles d’une société de capitaux.

L’entreprise a une finalité sociale/sociétale (RSE) qui lui impose d’intégrer, dans ses activités, des préoccupations d’ordre social, sanitaire et environnemental mais, en tant qu’organisation à but lucratif, elle a, avant tout, une finalité économique qui consiste à réaliser des profits afin d’assurer sa pérennité. La pérennité est le caractère de ce qui dure toujours ou, du moins, très longtemps. L’Insee a recensé les facteurs déterminants de la pérennité de l’entreprise :

  • Le statut juridique : les sociétés réalisent plus de profits et sont, par conséquent, plus durablement profitables que les entreprises individuelles.
  • Le secteur d’activité : les sociétés appartenant à certains secteurs, comme par exemple, celui du transport, semblent plus solides que celles appartenant au secteur du commerce où l’on enregistre, chaque année, un nombre plus important de défaillances.
  • Le profil du créateur : l’expérience professionnelle, le niveau de diplôme et la situation professionnelle de l’entrepreneur, au moment de la création, jouent un grand rôle et ce, dans tous les secteurs d’activités.
  • Le montant de l’investissement initial : plus le créateur investit une grosse somme d’argent au démarrage, plus les chances de survie de l’entreprise sont importantes.

Longtemps, les difficultés de l’entreprise ont été considérées comme ayant pour source une malhonnêteté du commerçant et, c’est pourquoi, le droit de la faillite des commerçants était marqué par une volonté d’écarter le débiteur défaillant en instaurant une procédure de répartition des biens de l’entreprise entre les créanciers. La défaillance du débiteur était synonyme de mauvaise foi et d’immoralité et, par conséquent, il s’agissait de punir le commerçant en faillite et d’organiser, en priorité, le remboursement des créanciers.

Aujourd’hui, les mentalités ont changé et les défaillances d’entreprises ne conduisent plus à remettre systématiquement en cause l’honnêteté des chefs d’entreprises. Si les difficultés financières des entreprises peuvent provenir d’une mauvaise gestion, d’une gouvernance déficiente ou de choix stratégiques peu pertinents, les crises économiques et/ou financières qui surviennent et qui sont difficilement prévisibles dans un contexte de mondialisation de l’économie et de globalisation financière, expliquent, le plus souvent, les dépôts de bilan.

Les crises économiques se traduisent par une baisse du pouvoir d’achat et donc de la consommation entraînant des fermetures d’entreprises victimes de la baisse de leur activité économique. Les entreprises, dont le carnet de commandes diminue, doivent faire face à une baisse de leurs recettes et elles se demandent alors comment elles vont pouvoir payer leur personnel, leurs fournisseurs, comment elles vont pouvoir faire face au remboursement de leurs dettes.

La loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et les banqueroutes ainsi que l’ordonnance du 23 septembre 1967 ont institué quatre procédures distinctes (procédures de suspension des poursuites, de règlement judiciaire, de liquidation judiciaire et de faillite personnelle) distinguant réellement, pour la première fois, le sort de l’entreprise de celui du débiteur.

Cette orientation a été confirmée par la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés de l’entreprise et par la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises dont l’article 1er, stipule que : « Il est institué une procédure de redressement judiciaire destinée à permettre la sauvegarde de l’entreprise, le maintien de l’activité et de l’emploi et l’apurement du passif (…) ». Pour autant, les évènements ont démontré que les législations, en vigueur en 1984 et 1985, n’avaient pas permis le maintien de l’activité économique des entreprises et la préservation de l’emploi.

La loi n° 94-475 du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises a essayé d’apporter un correctif à la situation des créanciers très défavorisés par la loi de 1985 dès lors que celle-ci privilégiait l’intérêt de l’entreprise et de ses salariés et non celui des créanciers, mais, néanmoins, il est reproché à cette législation qui « autorise l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire immédiate, sans période d’observation, lorsque l’état de l’entreprise est tel qu’aucune mesure de redressement ne peut être envisagée », de favoriser l’augmentation du nombre de procédures de liquidation judiciaire au détriment du nombre de procédures de redressement judiciaire qui, lui, ne fait que diminuer.

C’est pourquoi, entrée en vigueur, dès le 1er janvier 2006, la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises qui, en modifiant en profondeur le droit applicable aux entreprises en difficulté, vise à rechercher un équilibre entre la prévention, la négociation contractuelle entre débiteurs et créanciers et l’interventionnisme judiciaire.

D’autres textes réglementaires et législatifs viendront, par la suite, modifier la loi de juillet 2005, parmi lesquels, la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière qui crée la procédure de sauvegarde financière accélérée, procédure qui sera ensuite profondément modifiée par l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, elle-même clarifiée par l’ordonnance n° 2014-1088 du 26 septembre 2014. La procédure de sauvegarde accélérée est reprise dans les articles L.628-1 et suivants du Code de commerce.

Le créancier est le titulaire d’un droit de créance (ou droit personnel) qui fait de lui le sujet actif d’une obligation de faire, de ne pas faire ou de donner quelque chose, en nature ou en argent, obligation qui doit être exécutée par le sujet passif, le débiteur.

Dans le cadre d’une offre de contrat de crédit, une personne, le créancier, accorde à une autre personne, le débiteur, un soutien financier en mettant à sa disposition une certaine somme d’argent sous forme de prêt. L’acceptation de l’offre par l’emprunteur transforme l’offre de contrat de crédit en un contrat de prêt. L’opération donne naissance à une créance qui repose sur la croyance du créancier (le prêteur) que le débiteur (l’emprunteur) le remboursera.

Le contrat de crédit peut également prendre une autre forme, celle qui consiste, pour le créancier, non pas à prêter de l’argent au débiteur, mais à lui accorder un délai de paiement qui permettra à ce dernier de payer l’ensemble de ses achats en différé. Cette forme de crédit est celle la plus fréquemment rencontrée car les créanciers les plus nombreux ne sont pas les prêteurs financiers mais les fournisseurs de biens ou de services.

La loi bancaire n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit, bien que largement modifiée par la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières et dont l’ensemble des dispositions est repris dans le Code Monétaire et Financier, instaure un cadre juridique universel qui recense les activités qui sont du ressort exclusif des établissements de crédit.

Les établissements de crédit sont des sociétés financières qui pratiquent des opérations de banque à titre habituel et qui octroient des crédits à d’autres entreprises ou à des ménages. A ce titre, ils sont considérés comme des créanciers professionnels.

Cependant, l’arrêt n° 07-21506 du 25 juin 2009 de la 1re chambre civile de la Cour de cassation élargit la notion de créancier professionnel en définissant ce dernier comme étant « celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles même si celle-ci n’est pas principale ».

La notion de créancier professionnel n’est donc plus limitée aux banques ou aux établissements financiers mais elle s’étend également à toute personne qui devient créancier dans l’exercice de son activité professionnelle.

C’est ainsi que, dans le cadre de contrats synallagmatiques conclus entre deux entrepreneurs, celui qui a fourni un bien ou un service est considéré comme un créancier professionnel qui, en contrepartie de l’exécution d’une obligation contractuelle, est en droit d’attendre, de son débiteur, que celui-ci s’oblige également envers lui.

De même, et en vertu de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite « loi Macron », tout entrepreneur qui dispose d’une trésorerie excédentaire, et qui prête de l’argent à un fournisseur ou à un sous-traitant en difficulté pour une durée limitée à deux ans, est considéré comme étant un créancier professionnel. Cette forme de crédit inter-entreprises, qui constitue une nouvelle brèche dans le monopole bancaire, permet ainsi de pallier les insuffisances du crédit bancaire.

Pour se procurer les ressources financières dont elle a besoin, l’entreprise, parmi les différents modes de financement qui s’offrent à elle, ne peut écarter celui qui consiste à se procurer, via l’emprunt ou le crédit-fournisseur, les moyens pécuniaires qui lui font défaut.

Se pose alors la question du remboursement de la dette et, par voie de conséquence, du risque pris par le créancier de ne pas recouvrer sa créance en cas de défaillance de l’entreprise.

Même si la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises apparaît comme innovante en ce sens qu’elle prend en compte les progrès de sciences de gestion en intégrant le fait que les parties prenantes doivent travailler en synergie à la recherche de solutions économiques, sociales, financières et judiciaires adéquates, elle donne néanmoins la priorité à la survie de l’entreprise et à la préservation de l’emploi plutôt qu’au paiement des créanciers.

C’est pourquoi, comme le constate G. Plantin, dans une note sur les enjeux économiques du droit des « faillites » rédigée, en 2013, avec D. Thesmar et J. Tirole, tous trois membres du Conseil d’analyse économique (CAE) : « La législation française se singularise par une faible protection des intérêts des créanciers au profit des autres parties prenantes, notamment des actionnaires ».

Dès lors, la question qui se pose est la suivante :

Comment assurer la pérennité de l’entreprise nouvelle ou fragile, tout en préservant les droits des créanciers ?

La pérennité de l’entreprise dépend, en partie, des créanciers dont il faut préserver les droits… (article 1).

… tout en sauvegardant, dans le même temps, les intérêts de l’entreprise nouvelle ou fragile (article 2).

La pérennité de l’entreprise dépend, en partie, des créanciers dont il faut préserver les droits …

Les créanciers sont les promoteurs du développement de l’entreprise (I) et, à ce titre, ils doivent être protégés face au risque d’insolvabilité de l’entreprise (II).

I - Les créanciers sont les promoteurs du développement de l’entreprise…

L’endettement permet à l’entreprise de consolider ses fonds propres (A) tout en mettant à sa disposition des techniques de financement hors bilan (B).

« On ne peut devenir entrepreneur qu’en devenant auparavant débiteur. S’endetter appartient à l’essence de l’entreprise et n’a rien d’anormal. » J. Schumpeter 

A/ La consolidation des fonds propres

Parce que sa capacité d’autofinancement est généralement insuffisante, l’entreprise a besoin de recourir au crédit pour financer ses investissements. Principale source de financement externe, l’endettement lui permet de renforcer ses capitaux propres.

1. Le capital-investissement (capital-risque)

Parmi les nombreuses techniques de crédit favorisant le développement de l’entreprise, le capital-investissement permet à des investisseurs d’aider des entreprises nouvelles, non cotées en bourse, à financer leur création en leur procurant les capitaux propres dont elles ont besoin. Le capital-risque est le mode le plus adapté au financement des petites et moyennes entreprises, telles que les start-up, qui font, la plupart du temps, l’objet de levée de fonds et, parce qu’il s’adresse à des entreprises ayant un fort potentiel de croissance, l’investissement à risque est assorti de gains potentiels élevés.

Les sociétés de capital-risque (SCR) qui pratiquent ce type de financement sont régies par la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier modifiée par la loi n° 2014-856 relative à l’économie sociale et solidaire du 31 juillet 2014. C’est ainsi que Garrigue, société de capital-risque solidaire labellisée Finansol, accompagne solidairement des entreprises en création ou en développement dès lors qu’elles accordent de l’importance à l’humain et à l’environnement.

Le capital-investissement s’exerce sur quatre segments :

  • Le capital-innovation qui permet de financer les recherches dans le domaine des nouvelles technologies et des biotechnologies ;
  • Le capital-développement qui garantit les capitaux nécessaires à la réalisation d’un projet de développement ;
  • Le capital-transmission qui utilise la technique du Leveraged Buy Out (LBO) dans le cadre d’une transmission familiale d’une entreprise et ce, du vivant de l’entrepreneur, ou bien dans celui du rachat d’une entreprise arrivée à maturité et dont les actionnaires ne disposent pas, au sein de leur famille, de successeurs ayant la capacité ou l’envie de diriger l’entreprise. Le LBO favorise la reprise des entreprises grâce à l’endettement des repreneurs qui s’associent à des investisseurs financiers. Le LBO (ou rachat avec effet de levier) est un montage juridico-financier permettant le rachat d’une entreprise par le biais d’une société holding. Des salariés qui veulent racheter leur entreprise mais qui ne possèdent pas les fonds suffisants, créent, pour la circonstance, une société qui recourt à l’emprunt pour acquérir l’entreprise en question. Les repreneurs peuvent être des cadres dirigeants de l’entreprise rachetée, des investisseurs qui proviennent uniquement de l’extérieur, des acheteurs qui sont à la fois des investisseurs extérieurs et des cadres internes à l’entreprise rachetée ou bien encore les actionnaires qui veulent à terme fusionner l’entreprise avec une autre. Dans tous les cas, les repreneurs deviennent actionnaires majoritaires de la société rachetée qui doit rembourser l’emprunt en reversant des dividendes, réguliers ou exceptionnels, à la holding.

Pour reprendre l’exemple de Fram, le tribunal de commerce de Toulouse a finalement retenu, en novembre 2015, et ce, parmi les nombreuses offres de reprise du groupe, celle formulée par la société d’investissement LBO France avec le soutien de sa filiale Karavel-Promovacances. Le tribunal a considéré l’offre de LBO France « supérieure à la fois sur le plan financier et sur les garanties de pérennité de l’activité », tout en « relevant l’effort fait sur le plan social ».

  • Le capital-retournement qui s’adresse à des sociétés qui connaissent des difficultés financières afin de leur permettre de redresser leur situation en leur apportant à la fois les capitaux et les moyens humains. Les principaux acteurs français de ce secteur d’activité, sont les fonds d’investissement Butler Capital, Perceva Capital, Caravelle ou bien encore Verdoso.

On peut également citer les investisseurs providentiels appelés « business angels » qui sont des particuliers issus du monde des affaires et capables d’investir d’importantes sommes d’argent dans des projets offrant de réelles perspectives lucratives lors de la revente de leur participation. Le business angel est un véritable associé-entrepreneur car, en plus de son investissement, il met à la disposition de l’entrepreneur son expérience, ses compétences, ses réseaux relationnels et une partie de son temps.

2. L’emprunt obligataire

Les emprunts obligataires sont une forme de financement qui permet aux épargnants de prêter des liquidités aux entreprises via le marché financier. Les obligations sont achetées par des tiers, les obligataires, eux-mêmes représentés par un organe appelé la masse doté de la personnalité juridique.

L’article L.213-5 du Code monétaire et financier stipule que : « Les obligations sont des titres négociables qui, dans une même émission, confèrent les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale ».

Tandis que toutes les sociétés par actions (SA, SAS, SCA) peuvent avoir recours à ce mode de financement qu’elles fassent ou non offre au public de leurs titres financiers, les SARL, quant à elles, ne peuvent émettre des obligations nominatives qu’à condition qu’elles ne procèdent pas à une offre au public de ces obligations (article L.223-11 du Code de commerce).

Les groupements d’intérêt économique (GIE) peuvent également émettre des obligations sous réserve de remplir les conditions énoncées dans l’article L.251-7 du Code de commerce.

La loi NRE (Nouvelles Régulations Economiques) du 15 mai 2001 autorise les jeunes sociétés ayant moins de deux ans d’existence à émettre des obligations, à la condition préalable de demander, au Président du tribunal de commerce, la désignation d’un commissaire aux comptes chargé de vérifier leur actif et leur passif.

L’emprunt obligataire est un titre de créance, il représente donc une dette remboursable à une date et pour un montant fixé à l’avance, et qui rapporte un intérêt. Ainsi, pour une obligation à taux fixe, le rendement est connu à l’avance. L’émetteur s’engage à rembourser intégralement la valeur d’achat au terme fixé, ainsi que, chaque année, un intérêt régulier défini à l’avance.

3. Le financement participatif (ou crowdfunding)

Le financement participatif est une technique de financement de projets de création d’entreprise utilisant Internet comme canal de mise en relation entre les porteurs de projet et les personnes souhaitant investir dans ces projets. Tous les secteurs sont concernés qu’il s’agisse du secteur de la culture, de l’environnement, de la santé, de l’immobilier, du commerce, de l’industrie ou bien encore du numérique. Dans la plupart des cas, c’est l’association d’un grand nombre de personnes investissant un montant plus ou moins élevé qui permet aux porteurs de projets de trouver les fonds demandés. Ce mode de financement se fait sans l’aide des acteurs traditionnels du financement, il est dit désintermédié. Les fonds peuvent être alloués sous plusieurs formes dont celle du prêt. Une personne physique prête une somme afin de financer un projet. La somme prêtée doit être rendue avec ou sans intérêt, c’est au porteur de projet d’en décider.

L’ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014 a pour objet de : « créer un cadre juridique adapté à ce nouveau mode de financement afin d’en assurer le développement dans des conditions juridiques sécurisées ainsi que d’offrir une protection des investisseurs ou des prêteurs ».

Le décret n° 2014-1053, du 16 septembre 2014, fixe les conditions de prêts pouvant être faits par des particuliers en distinguant les conditions applicables aux prêts sans intérêt (dans la limite de 4 000 € par prêteur et par projet) et aux prêts avec intérêts (dans la limite de 1 000 € par prêteur et par projet, la durée du crédit ne pouvant être supérieure à 7 ans). Quant au porteur du projet, il ne peut emprunter plus de 1 000 000 € par projet.

B/ Les techniques de financement hors bilan

Ces techniques, en permettant de ne pas faire figurer, sous la forme d’une écriture comptable, les engagements donnés ou reçus d’une société, ont pour résultat de faire disparaître certaines dettes du bilan.

1. Le crédit-bail (ou leasing)

Apparu en France avec la loi n° 66-455 du 2 juillet 1966, le crédit-bail, régi par les articles L.313-7 à L.313-11 du Code monétaire et financier, ne constitue pas, au sens juridique du terme, un crédit. Seuls, les établissements de crédit sont autorisés à avoir le statut de crédit-bailleur (article L.515-2 du code monétaire et financier).

Lorsqu’une entreprise souhaite acquérir certains biens et qu’elle ne dispose pas des ressources financières nécessaires à cet achat ou bien qu’elle souhaite préserver sa trésorerie disponible sans pour autant alourdir son niveau d’endettement, elle peut avoir recours au crédit-bail.

Une société financière, le crédit-bailleur, met un bien mobilier ou immobilier à sa disposition pour une période déterminée contre paiement d’une redevance périodique. Lorsque le contrat de crédit-bail arrive à échéance, l’entreprise locataire, le crédit-preneur, a la possibilité, soit d’acheter le bien pour une valeur résiduelle qui a été convenue au moment de la conclusion du contrat, soit de restituer le bien au crédit-bailleur, soit de reconduire la location pour une nouvelle période.

Le crédit-bail procure plusieurs avantages au crédit-preneur :

  • L’investissement ne nécessite pas l’immobilisation de capitaux car aucun apport n’est demandé par le crédit-bailleur ;
  • Les biens financés en crédit-bail ne figurent pas au bilan de l’entreprise ce qui permet de « limiter » son endettement apparent lorsque le ratio emprunts/fonds propres est déjà élevé ;
  • En cas de difficultés de l’entreprise, ces biens ne sont pas saisissables puisque l’entreprise n’en est pas propriétaire.

2. La titrisation

La titrisation, qui repose sur la cession de créances, est une technique de gestion de bilan qui porte sur les éléments d’actif. Elle dépend non pas du débiteur mais du créancier car il appartient à celui-ci, en considération de la solvabilité de son débiteur, de céder ou titriser les créances qu’il détient sur ce dernier.

La titrisation est une technique de financement qui permet de transformer des actifs peu liquides pour lesquels il n’y a pas véritablement de marché, en valeurs mobilières facilement négociables comme des obligations. Une banque va céder des créances à risque à une société ad hoc afin de les faire sortir de son bilan. Ces créances vont ensuite être mélangées avec des titres de meilleure qualité qui seront ensuite vendus à des investisseurs (hedge funds, banques d’investissement) qui percevront, de la part de la société ad hoc, le paiement d’intérêt et le remboursement de leurs titres.

La titrisation a pour conséquence de transférer le risque du détenteur des créances aux marchés financiers, les risques de crédit étant supportés, non plus par les banques, mais par les investisseurs.

Les crédits classiques, les créances commerciales, les loyers d’actifs mobiliers ou immobiliers sont « titrisables » dès lors que l’on peut raisonnablement prévoir les flux financiers futurs.

Depuis la publication de l’ordonnance n° 2008-556 du 13 juin 2008, les organismes de titrisation sont régis par les articles L.214-42-1 et suivants du Code monétaire et financier et il appartient à l’Autorité des marchés financiers (AMF) de les réguler, qu’ils aient été créés sous la forme d’un fonds commun de titrisation ou d’une société de titrisation.

3. La défaisance (ou defeasance)

A l’inverse de la titrisation, la défaisance qui repose sur la cession de dettes, est une technique de gestion de bilan qui porte sur les éléments de passif. Elle dépend non pas du créancier mais du débiteur qui gère lui-même le risque de son insolvabilité en se désendettant.

La défaisance consiste, pour une entreprise, à se défaire de ses actifs non performants qui pourraient mettre en péril sa survie. L’entreprise emprunteuse sort une dette du bilan et la cède à une structure ad hoc appelée « structure de défaisance » (bad bank) en même temps qu’elle lui confie un portefeuille d’actifs. Le but de cette opération est d’enlever du bilan tous les actifs financiers douteux sur lesquels pèse un risque de décote important. Tandis que la structure de défaisance achète ces actifs à leur valeur comptable, donc à un prix supérieur au prix du marché, ce qui, dès lors, permet à l’entreprise d’éviter d’avoir à supporter des pertes, elle est chargée ensuite de les vendre à un prix le plus élevé possible et ce, dans les meilleurs délais. La gestion des actifs et des passifs de l’entreprise qui emprunte est ainsi confiée à un trust qui finance le service de la dette par les intérêts des actifs qui lui sont transférés. Cette opération permet d’assainir le bilan de l’entreprise en la débarrassant des actifs toxiques dont elle s’est dotée de façon inconsidérée et de lui permettre ainsi de poursuivre ses activités en toute sérénité.

Cependant, la défaisance n’est pas uniquement un outil de gestion du risque, cette technique pouvant également être utilisée par l’entreprise alors même que celle-ci est en bonne santé financière, par exemple, dans le cas où la société souhaiterait se débarrasser rapidement d’un emprunt obligataire.

L’un des premiers exemples de structure de défaisance est celui du Crédit Lyonnais (Consortium De Réalisation) qui, en 1995, a repris à leur valeur comptable des actifs douteux inscrits au bilan de la banque pour 150 milliards de francs de manière à ce que celle-ci ne soit pas acculée à la « faillite » et qui les a liquidés pour environ 70 milliards de francs.

Les articles 7 et suivants de la loi n° 95-1251 du 28 novembre 1995 relative à l’action de l’Etat dans les plans de redressement du Crédit lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs réglementent la création et la gestion des Etablissements publics de réalisation de défaisance ainsi que les missions et les obligations qui leur incombent.

Si, « la plus grande vertu d’un débiteur, c’est de payer sa dette », alors, il convient de garantir le recouvrement des créances afin d’encourager le crédit, appui financier indispensable à la pérennité de l’entreprise.

II - … et, à ce titre, ils doivent être protégés face au risque d’insolvabilité de l’entreprise

Les moyens de protection des créanciers chirographaires… (A)… se révèlent être des moyens de protection aux effets limités… (B)… ce qui justifie que les créanciers aient recours à des garanties plus efficaces… (C)… qui leur permettent, en qualité de créanciers privilégiés, d’acquérir des droits supplémentaires (D).

« Un prêt doit être rendu sans perte ni dommage. ». Appliqué au prêt d’argent, il ressort de ce proverbe, l’idée que le créancier doit pouvoir récupérer son argent sans souffrir d’aucun préjudice qui engendrerait, pour lui, une perte financière.

A/ La protection des créanciers chirographaires (ou ordinaires)

1. Les clauses contractuelles

L’intérêt de la propriété utilisée comme sûreté est de renforcer le statut du créancier dans la mesure où ce dernier demeure le propriétaire de la chose vendue.

La clause de réserve de propriété, insérée dans un contrat de vente entre deux commerçants, stipule que le vendeur, qui a accepté de ne pas recevoir l’intégralité du paiement à la livraison, conserve la propriété de la chose en retardant le transfert de celle-ci jusqu’au complet paiement du prix par l’acheteur. Ce dernier peut utiliser la chose, voire même la revendre, mais, en cas de non-paiement au-delà du délai fixé, il devra la restituer au vendeur (articles 2367 du Code civil et L.624-16 du Code de commerce).

Les clauses de réserve de propriété sont usuelles dans les contrats de vente et elles trouvent leur effet lorsque l’entreprise est placée sous procédure collective puisque, en cas de non-paiement dans les délais fixés, ces biens ne faisant pas partie de son patrimoine, le propriétaire (le créancier) pourra les revendiquer.

La clause de conciliation impose aux parties d’un contrat de tenter de trouver une solution à l’amiable pour régler un différend avant même de pouvoir saisir une juridiction. Cette clause peut concerner tous les litiges qui sont en relation avec le contrat. Ainsi, dans le cadre d’un contrat de prêt, cette procédure peut permettre à un créancier de recouvrer sa créance dès lors que la conciliation a permis de trouver un accord concernant l’apurement de la dette qui satisfait à la fois le prêteur et l’emprunteur.

2. L’assurance-crédit et l’affacturage

L’entreprise qui consent des ventes à crédit, caractérisées par la livraison immédiate d’un bien ou d’un service assortie d’un paiement différé, peut souscrire une assurance-crédit qui la protège contre le risque d’impayés en lui garantissant une couverture et une indemnisation des pertes en cas de non-paiement de ses créances commerciales aussi bien sur son marché domestique que sur ses marchés à l’échelle mondiale. L’entreprise bénéficie d’un suivi permanent de la situation financière de ses clients et prospects de façon à anticiper une crise de liquidités ou d’insolvabilité.

L’entreprise peut aussi externaliser la gestion de ses créances clients en les cédant à un organisme financier spécialisé, un factor. La société d’affacturage rachète les créances de l’entreprise sur présentation des factures, déduction faite d’une commission. Le risque de non-paiement par le débiteur est alors transféré sur la société d’affacturage. La possibilité de recourir à l’affacturage rassure l’entreprise créditrice, car cette méthode de financement et de recouvrement de créances lui assure une trésorerie immédiate et la met à l’abri d’éventuels retards de paiements. Cependant, le factor bénéficie d’un droit d’exclusion qui l’autorise à refuser certaines factures s’il sait que l’entreprise débitrice est fragile.

3. Le recouvrement judiciaire

Le créancier peut recourir à l’injonction de payer, procédure adaptée à une dette qui porte sur une somme d’argent et ce, quel qu’en soit son montant. Sous réserve que la demande en injonction de payer soit recevable, car soumise au respect de plusieurs conditions, le tribunal de commerce, juridiction compétente si le débiteur est un professionnel, pourra contraindre celui-ci à payer son dû. Cette procédure a l’avantage d’être simple, rapide et peu onéreuse car elle ne prévoit pas la convocation du débiteur devant le tribunal (articles 1405 à 1425 du Code de procédure civile).

La procédure d’assignation en paiement autorise le créancier à citer le débiteur à comparaître devant le juge dans l’espoir d’obtenir la condamnation du débiteur à payer sa dette. Cette procédure est plus longue et plus complexe que l’injonction de payer car elle donne la possibilité au débiteur de se défendre et d’opposer des arguments.

L’assignation en référé-provision facilite le recouvrement d’une créance commerciale que le créditeur, par exemple un fournisseur, réclame ou s’apprête à réclamer auprès d’un tribunal de commerce avant même que le jugement du procès ne soit rendu. Si l’ordonnance, rendue par le tribunal, donne gain de cause au créancier, elle lui permet, dès lors qu’elle est dite « exécutoire, de plein droit, à titre provisoire », d’obtenir, de la part du commerçant débiteur, le paiement immédiat de son dû (articles 484 à 492 du Code de procédure civile).

4. Le droit de gage général

L’article 2284 du Code civil dispose que : « Quiconque s’est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ». L’article 2285 dudit Code énonce, quant à lui, que : « Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ; et le prix s’en distribue entre eux par contribution, à moins qu’il n’y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence ».

Il apparaît, à la lecture de ces deux articles, que tout créancier peut se prévaloir d’un droit de gage général, droit minimal qui lui donne la garantie d’obtenir le paiement de sa créance et donc de se désintéresser financièrement sur n’importe quel bien faisant partie du patrimoine du débiteur. Le créancier peut faire procéder à la saisie, par un huissier de justice, d’une partie ou de la totalité des biens meubles corporels du débiteur et les faire vendre, dans le cadre d’une vente aux enchères, pour obtenir le règlement de ce qui lui est dû. (Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution). La saisie peut revêtir la forme soit d’une saisie conservatoire utilisée en cas d’urgence quand le recouvrement d’une créance justifiée est menacé, soit d’une saisie judiciaire si le débiteur a l’obligation de délivrer ou de restituer un bien (obligation de faire) ou bien de payer une somme d’argent (obligation de donner).

Cependant, pour pouvoir exercer ses droits, le créancier doit pouvoir compter sur l’existence d’un patrimoine et, c’est pourquoi, la loi met à sa disposition plusieurs actions lui garantissant, au besoin, la reconstitution du patrimoine du débiteur (articles 1341-1, 1341-2 et 1341-3 du Code civil) :

  • L’action oblique permet, au créancier, d’intenter une action au nom et pour le compte de son débiteur insolvable si ce dernier néglige ou refuse de faire valoir ses droits à l’encontre de ses propres débiteurs ;
  • L’action paulienne autorise le créancier à demander en justice la révocation des actes d’appauvrissement accomplis en fraude de ses droits par le débiteur insolvable ;
  • L’action en simulation de déclaration accorde au créancier le droit de demander la réintégration dans le patrimoine du débiteur d’un bien qui en était apparemment sorti, dans le cas, par exemple, où un débiteur aurait fait une vente fictive d’un immeuble à un ami afin que le bien échappe à la saisie du créancier.
B/ Des moyens de protection aux effets limités

1. L’absence de primauté

Même si, à première vue, le droit de gage général ainsi que la possibilité de recourir à divers autres moyens semblent garantir, au créancier chirographaire, une protection satisfaisante contre le risque d’insolvabilité du débiteur, dans la réalité, celle-ci se révèle à la fois insuffisante et peu efficace car, dans la mesure où tous les créanciers chirographaires sont égaux s’ils intentent une action pour obtenir le paiement de leurs créances, le produit de la vente des biens du débiteur est partagé entre eux. Or, si la valeur des biens vendus est insuffisante, chaque créancier ne perçoit qu’une partie de ce qui lui est dû, proportionnelle au montant de sa créance. Ainsi, non seulement le créancier chirographaire qui ne bénéficie d’aucune priorité, se retrouve-t-il en concurrence avec tous les autres créanciers dits « ordinaires » mais, en plus, il subit la concurrence des créanciers titulaires d’un privilège qui, eux, seront remboursés avant lui. Cela accroît le risque, pour le créancier dépourvu de toute garantie, de ne pas recouvrer l’intégralité du montant de sa créance d’autant que le débiteur, poursuivi par ses créanciers, peut être tenté d’organiser volontairement sa propre insolvabilité dans le seul but d’échapper au paiement de sa dette.

2. L’insaisissabilité de certains biens

Le risque de non remboursement est d’autant plus réel que certains biens mobiliers sont « insaisissables comme étant nécessaires à la vie et au travail du débiteur saisi et de sa famille », comme, par exemple, les vêtements, la literie, la table et les chaises... ou encore la machine à coudre d’un tailleur ou d’un cordonnier ou bien le matériel médical d’un médecin (articles L.112-2 et R.112-2 du Code des procédures civiles d’exécution).

Par ailleurs, tandis que la loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique dite loi Dutreil, l’ordonnance du 23 mars 2006 et la loi de Modernisation de l’Economie du 4 août 2008 (loi LME) visaient déjà à protéger l’habitation principale de l’entrepreneur individuel en la rendant insaisissable, la loi Macron vient renforcer cette mesure dès lors que la déclaration d’insaisissabilité qui devait obligatoirement être effectuée par l’entrepreneur devant un notaire n’est plus nécessaire.

De fait, depuis 2015, la résidence principale d’un entrepreneur individuel devient « de droit insaisissable par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne (…). » (articles L.526-1 et suivants du Code de commerce). Par conséquent, en cas de défaillance du débiteur, le créancier ne peut plus compter sur cet actif patrimonial pour espérer le recouvrement de sa créance.

Enfin, dans le cas où l’entreprise en difficulté s’est procurée des biens qu’elle a financés en ayant recours au crédit-bail, ces biens ne sont pas saisissables puisque cette dernière, tant qu’elle n’a pas levé l’option d’achat, n’en est pas propriétaire.

Pour encourager et multiplier les opérations de crédit indispensables à la pérennité de l’entreprise, il convient de rassurer pleinement les créanciers en leur offrant des moyens de protection plus sûrs.

C/ Les garanties prises par les créanciers privilégiés

Les créanciers privilégiés, de par leur statut, bénéficient de garanties supplémentaires qui leur assurent une priorité de paiement sur les créanciers ordinaires. L’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés a réorganisé le droit des sûretés en regroupant dans le livre IV du Code civil les différentes dispositions relatives au droit des sûretés.

1. Les sûretés réelles

Le créancier privilégié peut garantir sa créance par des sûretés réelles qui portent sur une chose, qu’il s’agisse d’un bien mobilier ou d’un bien immobilier.

a) Le gage

Selon l’article 2333 du Code civil : « Le gage est une convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou futurs. ». L’ordonnance du 23 mars 2006 définit le gage comme étant « une sûreté portant sur un bien meuble corporel sans condition de dépossession ». Ainsi, le débiteur n’est plus dans l’obligation de remettre nécessairement au créancier la chose gagée puisque le gage peut être désormais conclu avec ou sans dépossession.

Dans le gage avec dépossession, le débiteur, à savoir, l’entreprise emprunteur (le constituant), doit remettre nécessairement la chose gagée au créancier. Le contrat de gage se forme par la remise de l’objet sur lequel porte le gage. Pour le créancier, l’avantage d’un gage avec dépossession est qu’il constitue une pression efficace sur le débiteur qui se trouve privé de la jouissance de son bien et qui sera, de ce fait, plus prompt à payer sa dette d’autant que, toutes les sûretés réelles qui entraînent dépossession du débiteur s’accompagnent d’un droit de rétention, prérogative accordée au créancier de conserver, jusqu’à la réalisation complète d’une prestation, un objet mobilier qui lui a été remis en vue de l’exécution de ladite prestation, comme, par exemple, le paiement d’une somme d’argent.

Dans le gage sans dépossession, le débiteur conserve la possession de la chose gagée ce qui, par exemple, permet à un entrepreneur qui aurait emprunté pour investir dans des véhicules automobiles à usage professionnel ou encore pour acquérir des stocks de marchandises, de gager ces biens meubles corporels tout en continuant à en avoir l’usage dans le cadre de l’exercice de son activité.

Et, parce que les marchandises font l’objet d’un contrat spécial régi par le Code civil et par les articles L.527-1 et suivants du Code de commerce, la rédaction de deux contrats de gage s’imposerait, l’un concernant les stocks de marchandises et l’autre concernant les véhicules automobiles.

Afin de rendre ce type de gage opposable aux tiers, l’ordonnance du 23 mars 2006 impose que celui–ci fasse l’objet d’une publicité sur un registre tenu au greffe du tribunal de commerce.

b) Le nantissement

Le nantissement est « l’affectation, en garantie d’une obligation, d’un bien meuble incorporel ou d’un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs » (articles 2355 à 2366 du Code civil). L’entrepreneur peut ainsi décider de nantir son fonds de commerce sans pour autant en être dépossédé (articles L.142-1 et suivants du Code de commerce). Les éléments du fonds de commerce pouvant faire l’objet d’un nantissement sont la clientèle et l’achalandage, l’enseigne et le nom commercial, les droits de propriétés industrielles et intellectuelles, les marques, les dessins ou modèles industriels, les brevets, les licences, les titres de société, les créances ou bien encore le droit au bail.

Le nantissement de l’outillage et du matériel d’équipement, dont le régime juridique résulte des articles L.525-1 et suivants du Code de commerce, est autorisé à condition qu’il soit consenti en garantie de la créance du vendeur de l’outillage ou du matériel ou de la créance du banquier ayant financé son acquisition (ex. : nantissement du matériel informatique).

Le nantissement peut être conventionnel, c’est-à-dire librement consenti par le commerçant qui souscrit un emprunt bancaire, un leasing ou un bail commercial et qui offre en garantie son fonds de commerce dont il est impérativement le propriétaire (articles L.142-1 et suivants du Code de commerce).

Il peut être également judiciaire puisque, selon l’article L.511-1 du Code des procédures civiles d’exécution : « Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. ». Le juge peut donc autoriser l’inscription d’un nantissement sur le fonds de commerce du débiteur ou bien sur des parts sociales afin de faire bénéficier le créancier d’une garantie en paiement.

c) L’hypothèque

Selon l’article 2393 du Code civil : « L’hypothèque est un droit réel sur les immeubles affectés à l’acquittement d’une obligation ». L’entreprise débitrice conserve la propriété du bien immobilier qu’elle a hypothéqué.

Une entreprise commerciale peut, en ayant recours à l’hypothèque, offrir un bien immobilier en garantie d’un prêt à son créancier, une banque, qu’il s’agisse d’un prêt de courte durée afin de faire face à un besoin de trésorerie ou d’un financement à longue échéance. Le bien immobilier faisant l’objet d’une hypothèque peut être un bâtiment industriel ou commercial, un immeuble de bureaux, un local pour le commerce de détail ou bien un terrain. En cas de défaillance de l’entreprise emprunteuse, l’organisme de crédit pourra faire saisir le bien et en exiger la revente aux enchères publiques afin de récupérer le montant de sa créance sur le fruit de la vente. Mais le créancier peut également se faire attribuer l’immeuble en demandant à la justice que celui-ci lui demeure en paiement à condition qu’il ne constitue pas la résidence principale du débiteur (article 2458 du Code civil).

L’hypothèque peut être conventionnelle si elle résulte d’un contrat passé entre le constituant (l’entreprise) et son créancier (un établissement de crédit), elle peut être légale si elle résulte de la loi ou elle peut être judiciaire si elle résulte des jugements (articles 2394 et suivants du Code civil).

d) Le gage immobilier (antichrèse)

Contrairement à l’hypothèque qui suppose que le débiteur conserve l’usage du bien immeuble hypothéqué, le gage immobilier implique que le propriétaire d’un bien immobilier en cède la jouissance à un créancier pour lui permettre d’en percevoir les revenus, par exemple, en mettant en location ce bien afin d’en percevoir les loyers, jusqu’à ce que leur valeur accumulée paye l’intégralité de la dette.

Comme il s’agit de rembourser un prêt dont le montant comprend à la fois le capital mais aussi les intérêts, la valeur des revenus encaissés correspond, dans un premier temps, au remboursement des intérêts et dans un deuxième temps, au remboursement du capital emprunté. Ainsi, une entreprise, propriétaire d’un immeuble, peut en accorder l’usufruit à son créancier jusqu’au paiement intégral de sa dette. La détention du bien immobilier par le prêteur est provisoire sauf en cas de défaillance de l’entreprise débitrice car, dans ce cas, celui-ci peut se faire attribuer l’immeuble par voie judiciaire.

2. Les sûretés personnelles

Le contrat de cautionnement prévoit qu’une ou plusieurs personnes, les cautions, s’engagent auprès du créancier, le bénéficiaire du cautionnement, à payer la dette du débiteur principal, en cas de défaillance de celui-ci.

S’il s’agit d’une caution simple, en vertu du bénéfice de discussion dont peut se prévaloir la caution, le créancier impayé doit d’abord poursuivre le débiteur avant de solliciter la caution et il ne se retournera vers cette dernière que si les biens du débiteur, une fois saisis et vendus aux enchères, ne suffisent pas à le désintéresser. En cas de pluralité de cautions, la solidarité va s’exercer entre les différentes cautions, ce qui permet à la caution poursuivie par le créancier d’invoquer le bénéfice de division qui impose au créancier de diviser les poursuites entre les différentes cautions, au prorata de leur part dans la dette.

Si en revanche, le cautionnement est solidaire et, en matière commerciale, la solidarité se présume, la caution, ne disposant ni du bénéfice de discussion, ni du bénéfice de division, doit être en mesure de payer l’intégralité de la dette.

Eu égard aux engagements lourds de conséquence pris par les cautions et dans le but de les protéger, les articles L.341-2 et L.341-3 du Code de la consommation imposent un certain formalisme, via la présence de mentions obligatoires et le respect de certaines règles, dans la réalisation du contrat de cautionnement (articles 2288 et suivants du Code civil).

Dans les faits, les banques ou les fournisseurs vont accepter de faire crédit à une entreprise à la condition que les associés, qu’ils soient ou non dirigeants, se portent caution personnelle ce qui implique, de la part de ces derniers, qu’ils s’engagent à régler les dettes de la société sur leurs biens personnels si celle-ci ne peut plus payer. Mais alors, dans ce cas, la responsabilité des associés n’étant plus limitée au montant de leurs apports, cela diminue considérablement l’intérêt de créer des structures à responsabilité limitée.

D/ Les droits acquis par les créanciers privilégiés

La loi accorde aux créanciers privilégiés le droit d’être payés avant les créanciers chirographaires. Si certains créanciers sont privilégiés du fait même qu’ils disposent d’une garantie consentie par le débiteur ou obtenue en justice, d’autres le sont parce que la loi les fait bénéficier d’un privilège en raison de leur qualité.

1. Le droit de préférence

Le créancier privilégié est garanti par un gage, un nantissement, un privilège ou une hypothèque et, à ce titre, il bénéficie d’un droit de préférence. Pour exemple, une entreprise qui aurait hypothéqué un bien immobilier en garantie d’un prêt bancaire et qui se verrait dans l’impossibilité de rembourser son prêt pourrait voir la banque exercer son droit hypothécaire. Ce faisant, la banque, créancier privilégié, pourrait prétendre au remboursement de sa créance selon l’ordre de paiement fixé par la loi, ce qui l’amènerait à être payée après les salariés, après le Trésor public, après les créanciers bénéficiant du privilège de conciliation dans le cadre d’une procédure collective ouverte après cette conciliation mais avant les créanciers chirographaires.

2. Le droit de suite

« L’hypothèque suit les immeubles affectés à l’acquittement d’une obligation dans quelques mains qu’ils passent » (article 2393 du Code civil). Ceci explique que le créancier privilégié bénéficie également d’un droit de suite qui correspond à une prérogative qui lui appartient d’exercer son droit sur le bien gagé, nanti ou hypothéqué et ce, en quelque main qu’il se trouve. L’article 2461 du Code civil stipule, en effet, que : « Les créanciers ayant privilège ou hypothèque inscrits sur un immeuble, le suivent en quelques mains qu’il passe, pour être payés suivant l’ordre de leurs créances ou inscriptions ».

Le droit de suite s’applique à la fois aux biens mobiliers et aux biens immobiliers d’où l’importance de la publicité du gage ou de l’hypothèque qui assure son opposabilité aux tiers.

De même, l’opposabilité du droit de rétention s’applique au propriétaire qui a acquis un bien retenu même s’il est de bonne foi. De cette façon, les tiers, qu’ils soient les détenteurs dudit bien, des acquéreurs potentiels ou bien d’autres créanciers du débiteur, ne peuvent revendiquer la possession du bien gagé, hypothéqué ou retenu.

En conclusion et en réponse à la question posée en introduction : « Comment assurer la pérennité de l’entreprise nouvelle ou fragile, tout en préservant les droits des créanciers ? », il semble juste de penser qu’il faille effectivement préserver, et ce, de façon équitable, les intérêts des différentes parties prenantes.

C’est pourquoi, concernant la préservation des intérêts des créanciers, cet article s’attache à démontrer l’importance de leur rôle dans le développement de l’entreprise et, par conséquent, la nécessité qu’il y a à préserver leurs droits.

A cet effet, la législation prévoit différents instruments juridiques destinés à garantir aux créanciers le remboursement de leurs créances, condition incontournable pour que ces derniers consentent à accorder des prêts aux entreprises qui ont des besoins urgents de financement.

Au travers d’un certain nombre de moyens de protection que le Droit met à leur disposition, les prêteurs ont, de fait, la possibilité de se prémunir contre le risque d’insolvabilité du débiteur. Cela étant, ils sont alors davantage disposés à offrir aux entreprises les ressources financières qui leur manquent. Ces dernières vont pouvoir choisir, parmi plusieurs techniques de crédit qui s’offrent à elles, celle qui leur convient le mieux qu’il s’agisse de combler un déficit de trésorerie ou de financer un projet d’investissement.

Les créanciers, qu’il s’agisse des établissements financiers ou bien des fournisseurs de biens et de services dans le cadre du crédit inter-entreprises, s’imposent alors comme de précieux collaborateurs qui contribuent, de manière efficace, à la pérennité de l’entreprise.

Pour autant, puisqu’il s’agit également de préserver les intérêts de l’entreprise nouvelle ou fragile, un deuxième article également consacré aux créanciers et à la pérennité de l’entreprise, insistera davantage, quant à lui, sur l’importance qu’il y a à protéger l’entreprise d’une éventuelle « faillite » compte tenu des conséquences négatives, à la fois économiques et sociales, qui en résultent. Car, comme le souligne Carlos Ghosn, P-DG de Renault Nissan : « Ce qui est important, c’est l’avenir à long terme de l’entreprise ».

Bibliographie :

  • La gazette du Palais : « Droit des entreprises en difficulté », n° 3, janvier 2016
  • Thomas Lestavel : « La faillite, dernière chance ? », Alternatives économiques, n° 330, 2013
  • Gilles Mougenot : « Tout savoir sur le capital investissement », mai 2014

Sitographie :

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