Sécurité et santé au travail

, par Carine Courtes Lapeyrat

Alors que la médecine n’a jamais été aussi efficace pour améliorer le quotidien des populations et retarder l’âge de l’espérance de vie, les français semblent mécontents de leurs conditions de travail. En effet, en France, selon une enquête Ipsos produite en 2010, 70 % des actifs estiment que leur situation s’est dégradée au travail, notamment en ce qui concerne le niveau de stress (52 %) et la charge de travail (49 %) (Enquête publiée le 22 novembre 2010).

Pour remédier à cette insatisfaction des travailleurs, on peut se demander comment organiser la sécurité et la santé au travail dans l’organisation ?

Par sécurité et santé au travail, on entend, conditions et facteurs ayant une influence sur le bien-être des employés, des travailleurs temporaires, du personnel détaché par un fournisseur, des visiteurs et de toute autre personne présente sur le lieu de travail. (OHSAS 18001).

La sécurité et la santé au travail sont pourtant des aspects très encadrés par la législation, aussi bien européenne que française. La santé et la sécurité au travail représentent aujourd’hui l’un des domaines les plus denses et les plus importants de la politique sociale de l’Union européenne. Dès 1951, en effet, la Communauté du Charbon et de l’Acier avait entrepris d’améliorer la sécurité des travailleurs, et cette préoccupation s’est élargie avec le Traité de Rome à l’ensemble des salariés.
La stratégie communautaire adopte une approche globale du bien-être au travail, prenant en compte les changements du monde du travail et l’émergence de nouveaux risques, notamment psychosociaux. Elle vise ainsi à améliorer la qualité du travail, dont un environnement de travail sain et sûr est l’une des composantes essentielles. La stratégie cherche aussi à démontrer qu’une politique sociale ambitieuse est un facteur de compétitivité, et que, à l’inverse, la « non-politique » engendre des coûts qui pèsent lourdement sur les économies et les sociétés.
En matière de sécurité et santé au travail, l’action communautaire trouve sa base juridique dans l’article 137 du traité CE.
La directive-cadre de 1989 (89/391/CEE) énonce les principes directeurs relatifs à la prévention et la protection de la santé et la sécurité des travailleurs. Elle constitue la base de toutes les directives individuelles ultérieures.
La directive-cadre vise essentiellement à encourager les améliorations concernant la santé et la sécurité au travail. Elle couvre l’ensemble des secteurs d’activités, publics comme privés.
Elle établit le principe selon lequel l’employeur est tenu de veiller à la sécurité et la santé des travailleurs dans tous les aspects inhérents à leur travail. L’employeur est tenu d’élaborer une politique générale en matière de santé et de sécurité, notamment :

  • en évaluant les risques inévitables en matière de santé et de sécurité, en actualisant ces évaluations à la lumière des conditions changeantes et en adoptant les mesures de prévention et de protection appropriées ;
  • en rédigeant un registre de l’évaluation des risques et de la liste des accidents au travail ;
  • en informant les travailleurs et/ou leurs représentants sur les risques potentiels et les mesures de prévention entreprises ;
  • en consultant les travailleurs et/ou leurs représentants sur toutes les questions relatives à la santé et la sécurité et en garantissant leur participation ;
  • en dispensant des formations relatives à la santé et la sécurité au travail ;
  • en désignant des travailleurs chargés de mener des activités relatives à la prévention des risques professionnels ;
  • en mettant en œuvre des mesures de premiers soins, de lutte contre l’incendie et d’évacuation des travailleurs. (inrs.fr) Pour sa part, le travailleur est soumis à plusieurs obligations, notamment de suivre les instructions de l’employeur ou de notifier les dangers potentiels.
    La directive-cadre souligne également le droit des travailleurs à formuler des propositions en matière de santé et de sécurité, à faire appel aux autorités compétentes et à cesser le travail en cas de grave danger, conformément à l’approche participative prônée par la directive.
    L’objectif sous-jacent est de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et leur garantir qu’au terme de leur journée de travail, ils rejoindront leur famille en bonne santé.
    Pour la période 2007-2012, une nouvelle stratégie est mise en œuvre. Elle vise à réduire durablement les accidents du travail et les maladies professionnelles dans l’UE. Elle fixe un objectif quantitatif de 25 % de réduction des accidents du travail et définit un ensemble d’actions à mener au niveau national et européen pour y parvenir. Celles-ci consistent principalement à :
  • améliorer et simplifier la législation en vigueur et renforcer sa mise en œuvre ;
  • définir et mettre en œuvre des stratégies nationales adaptées à la situation particulière de chaque État membre ;
  • intégrer les questions de santé et de sécurité au travail dans d’autres domaines d’action au niveau national et européen (éducation, santé publique, recherche) et trouver de nouvelles synergies ;
  • mieux identifier et évaluer les nouveaux risques en intensifiant la recherche, l’échange de connaissances et la mise en pratique des résultats.

La réglementation européenne est à l’origine de la majorité de la réglementation française actuelle en matière de sécurité et de santé au travail.

La principale source de droit français en matière de santé et de sécurité au travail est la quatrième partie du code du travail intitulée Santé et sécurité au travail. Cette quatrième partie est découpée de la manière suivante : Dans le livre Ier sont présentés les principes généraux de prévention qui découlent directement de la directive-cadre européenne 89/391/CEE relative à l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs. L’employeur met en œuvre les mesures de prévention sur le fondement des principes généraux de prévention suivants.
Le titre Ier du livre VI mentionné décrit les conditions de mise en place, les attributions, la composition et la désignation, le fonctionnement de la sécurité et de la santé au travail.

Dans une première partie, nous étudierons les risques en matière de sécurité et santé au travail, puis, dans une deuxième partie, nous analyserons les conditions de mises en œuvre de la sécurité et de la santé au travail.

 I. Les risques au travail.

En matière de sécurité et de santé au travail, plusieurs risques apparaissent. Ils sont généralement de deux ordres :

  • les maladies professionnelles, les accidents de travail et les troubles musculo-squelettiques ;
  • les risques psychosociaux (stress, troubles de concentration, troubles du sommeil, violence au travail, etc.).

Dans tous les cas, il convient, pour l’employeur, de prévenir ces risques et pour les salariés, de se protéger en respectant les consignes de l’employeur.

A. Les maladies professionnelles et les accidents du travail.

Une maladie professionnelle résulte de l’exposition à un risque, auquel est exposée une personne à son poste de travail. Une maladie professionnelle est la conséquence de l’exposition, plus ou moins prolongée, à un risque qui existe lors de l’exercice habituel de la profession.
La cause professionnelle de la maladie n’est pas toujours évidente.
Le droit à réparation se fonde sur :

Ce peut être, par exemple, l’absorption quotidienne de petites doses de poussières ou de vapeurs toxiques ou l’exposition répétée à des agents physiques (bruit, vibrations, etc.). Il est presque toujours impossible de fixer exactement le point de départ de la maladie, d’autant plus que certaines maladies professionnelles peuvent ne se manifester que plusieurs années après le début de l’exposition au risque, et même parfois très longtemps après que le travailleur ait cessé d’exercer le travail incriminé.
De plus, la cause professionnelle de la maladie est rarement évidente et il est parfois très difficile de retrouver, parmi les multiples produits manipulés, celui ou ceux qui peuvent être responsables des troubles constatés.
Dans ces conditions, les données concernant le lieu, la date et la relation de cause à effet sont souvent difficiles à préciser et la « matérialité » d’une maladie professionnelle ne peut généralement pas être établie par la preuve qui est toujours difficile, sinon impossible, à apporter. Le droit à réparation doit donc se fonder, dans un grand nombre de cas, sur des critères médicaux et techniques de probabilité et sur des critères administratifs de présomption. C’est pourquoi la sécurité sociale a établi une liste des maladies professionnelles reconnues.

La principale cause de maladies professionnelles aujourd’hui est le trouble Musculo-squelettique.
Les Troubles Musculo-squelettiques (plus connus sous l’abréviation TMS) sont des maladies multifactorielles à composante professionnelle. Les sollicitations qui sont à l’origine des TMS sont biomécaniques, organisationnelles et psychosociales.

Les TMS affectent principalement les muscles, les tendons et les nerfs, c’est-à-dire des tissus mous. Au niveau musculaire, la principale contrainte est la force. Cette contrainte peut engendrer une fatigue musculaire. Sur les tendons, les principales contraintes mécaniques qui s’exercent sont les forces de traction développées par le muscle lors des efforts musculaires ainsi que des frottements et des compressions contre des tissus adjacents. Il peut en résulter des inflammations du tendon (tendinite) ou du tendon et de sa gaine (ténosynovite). Pour les nerfs, la compression est la principale contrainte mécanique. La pathologie la plus répandue est le syndrome du canal carpien. Pour les TMS des membres supérieurs (les plus nombreux), les facteurs de risques biomécaniques sont les positions angulaires articulaires extrêmes, les efforts excessifs, la répétitivité des gestes, le travail en position statique maintenue. À noter qu’un temps de récupération insuffisant augmente significativement l’effet des facteurs biomécaniques. Les TMS se retrouvent donc souvent dans les industries de l’agroalimentaire, de la métallurgie, du bâtiment et des travaux publics. Mais les TMS commencent aussi à apparaître dans diverses activités de service, principalement dans les professions qui exercent des gestes répétitifs. Ainsi, les caissières rencontrent souvent des difficultés dans ce domaine puisqu’elles répètent toujours le même geste pour scanner les codes barres des produits, ce qui génère une fatigue musculaire du bras sollicité.

En France, les TMS sont la première cause de reconnaissance de maladie professionnelle. Au total, l’ensemble des TMS indemnisés ont engendré, en 2008, la perte de 8,3 millions de journées de travail et 786 millions d’euros de frais couverts par les cotisations des entreprises.

Les TMS sont donc à l’origine de déficits fonctionnels gênant l’activité professionnelle. Ils constituent, de ce fait, un lourd fardeau économique pour la société parce qu’ils sont à l’origine d’un important absentéisme, turn-over, d’une perte d’efficacité et de productivité (remplacement, perte de qualité et de productivité, perturbations dans l’organisation du travail), de difficultés de recrutement. Pour l’employeur, ils sont aussi source de difficulté de reclassement des salariés atteints.

L’Accident du travail est un accident survenu, quelle qu’en soit la cause, par le fait ou à l’occasion du travail. Il y a un fait accidentel à l’origine d’une lésion certaine, corporelle ou psychique. Depuis 2003, les lésions corporelles sont assimilées à des lésions psychiques.
Le fait accidentel est une action violente et soudaine, d’une cause extérieure, qui à l’occasion du travail, est à l’origine d’une lésion, corporelle ou psychique.
Le critère de soudaineté distingue l’accident du travail de la maladie professionnelle, qui se caractérise au contraire, par son caractère lent et évolutif.
Si la lésion soudaine a une origine et une date certaine, il y a accident. Il faut mettre en évidence un fait précis survenu soudainement, au cours ou à l’occasion du travail (Jurisprudence : Cass.Soc.24/04/69).

Un Accident du travail est un accident survenu à un salarié alors qu’il est soumis à l’autorité de son employeur, par conséquent, pourront être reconnus des accidents survenus alors qu’un salarié est en voyage professionnel, ou rendez-vous chez un client…

Certaines maladies professionnelles d’origine accidentelle sont considérées légalement comme des accidents du travail. C’est le cas, par exemple, de certaines intoxications aiguës provoquées par l’éclatement d’une bombonne ou l’exécution de travaux dans une citerne ayant contenu des produits toxiques et insuffisamment nettoyée et ventilée.

Plusieurs causes peuvent expliquer les accidents du travail telles que :

  • mauvaise conception des machines,
  • catachrèse : utilisation d’une machine en dehors de ses limites ou de l’usage pour lequel il est prévu,
  • contraintes de la tâche, rendement,
  • défaut d’organisation générale du travail,
  • manque d’information sur l’état du système,
  • facteurs liés au groupe : le taux d’accidents du travail peut être considéré comme un indice de tension entre le personnel et l’entreprise,
  • non-respect des consignes de sécurité,
  • défaut de formation technique...

Selon les chiffres publiés en 2009 par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) à l’occasion de son 90e anniversaire, ce sont environ 2,3 millions de personnes qui meurent chaque année dans le monde du travail :

  • environ 360.000 meurent d’accidents à proprement parler,
  • environ 1,95 million meurent de maladies professionnelles incurables.

Dans les pays industrialisés, les travailleurs du bâtiment sont les plus exposés (risque 3 à 4 fois plus élevé de mourir d’un accident du travail par rapport à la moyenne de l’ensemble des salariés).
Plus de 651.000 décès sont en moyenne déclarés chaque année comme directement induits par des substances dangereuses. Le mauvais enregistrement de ces accidents dans de nombreux pays fait que ce chiffre est fortement sous-évalué selon l’OIT (l’amiante cause encore environ 100.000 morts/an avec une aggravation régulière du nombre de morts).

Les accidents de trajets sont, dans le cadre législatif, assimilés aux accidents de travail. Est considéré comme accident de trajet tout accident qui survient :

  • entre la résidence principale et le lieu de travail,
  • entre le lieu de travail et le lieu où le salarié prend habituellement ses repas.

B. Les risques psychosociaux.

Les risques psychosociaux (RPS) recouvrent des risques professionnels d’origine et de natures variées, qui mettent en jeu l’intégrité physique et la santé mentale des salariés et ont, par conséquent, un impact sur le bon fonctionnement des entreprises. On les appelle « psychosociaux » car ils sont à l’interface de l’individu ( le’« psycho ») et de sa situation de travail. Sous l’entité RPS, on entend stress mais aussi violences internes (harcèlement moral ou physique) et violences externes (exercées par des personnes extérieures à l’entreprise à l’encontre des salariés).

Ils peuvent être regroupés en 4 grandes familles de facteurs :

  • Les exigences du travail et son organisation : Autonomie dans le travail, degré d’exigence au travail en matière de qualité et de délais, vigilance et concentration requises, injonctions contradictoires ;
  • Le management et les relations de travail : nature et qualité des relations avec les collègues, les supérieurs, reconnaissance, rémunération, justice organisationnelle ;
  • La prise en compte des valeurs et attentes des salariés : développement des compétences, équilibre entre vie professionnelle et vie privée, conflits d’éthique ;
  • Les changements du travail : conception des changements de tout ordre, nouvelles technologies, insécurité de l’emploi, restructurations …

Le stress en est la manifestation la plus connue et la plus répandue. Au niveau européen, un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. Bien que le processus d’évaluation des contraintes et des ressources soit d’ordre psychologique, les effets du stress ne sont pas uniquement de nature psychologique. Il affecte également la santé physique, le bien être et la productivité de la personne qui y est soumise.

Dans ces RPS, on trouve aussi le harcèlement moral (répétition d’agissements à l’encontre d’un salarié et dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité), le harcèlement sexuel (agissements de toute personne dont le but est d’obtenir les faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers), les violences externes (insultes ou menaces, agressions physiques ou psychologiques exercées contre une personne sur son lieu de travail et la souffrance ou le mal être au travail (résultant généralement de situations de conflits, d’abus de pouvoir ou de mise à l’écart d’un salarié).

Les RPS ont des effets négatifs sur la santé des travailleurs et sur la santé des entreprises.
En matière de santé des travailleurs, plusieurs mécanismes se développent tels que l’augmentation de la tension artérielle, le développement de comportements à risque, etc. De plus, depuis environ 5 ans, les experts de la santé au travail ont démontré les liens existant entre facteurs de RPS et les maladies cardio-vasculaires, les TMS et certaines pathologies mentales (dépression, anxiété).
Les RPS ont également un impact sur l’entreprise. On peut noter un lien entre l’apparition de ces risques et l’absentéisme, le taux élevé de rotation du personnel, le non-respect des horaires ou des exigences de qualité, des problèmes de discipline, la réduction de la productivité, des accidents de travail et des incidents, la non-qualité (augmentation des rebuts et des malfaçons, etc.), une dégradation du climat social, une désorganisation du travail et des atteintes, sur le long terme, à l’image de l’entreprise…

La loi fait aujourd’hui obligation à l’employeur d’évaluer les risques, y compris psychosociaux, et de préserver, en plus de la santé physique, la santé mentale des salariés (article L.230-2 du code du travail). La responsabilité de la médecine du travail et des partenaires sociaux en matière de sécurité et de santé au travail (CHSCT, représentants du personnel, inspection du travail, etc.) est donc engagée dans le diagnostic et la prévention des RPS.

 II. Mise en œuvre de la sécurité et de la santé au travail.

La prévention des risques professionnels, c’est l’ensemble des dispositions à mettre en œuvre pour préserver la santé et la sécurité des salariés, améliorer les conditions de travail et tendre au bien-être au travail.
La prévention consiste à tenter d’éviter l’accident du travail ou la maladie professionnelle en réduisant les risques au maximum. Elle s’inscrit dans une logique de responsabilité sociale des entreprises : elle vise à anticiper et à limiter les conséquences humaines, sociales et économiques des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Elle se traduit par des enjeux, un engagement et une volonté politique au sein de l’entreprise. Elle repose sur des principes, des méthodes et des outils. Elle se concrétise au quotidien par une implication de chacun, des pratiques de métier, la mise en œuvre de ces principes et le respect de valeurs essentielles : en d’autres termes, développer dans l’entreprise une culture de prévention. Elle implique des acteurs qui travaillent ensemble dans un objectif commun, afin d’assurer l’intégrité physique et mentale de tous les salariés et de créer les conditions de leur bien-être physique, mental et social.

Dans les entreprises, il appartient à l’employeur de supprimer les risques professionnels et d’assurer la sécurité des salariés. Il lui incombe également de protéger leur santé physique et mentale. Pour ce faire, il doit prendre les mesures appropriées dont les bases sont énumérées par le Code du travail. Selon l’activité exercée par sa société, il doit pouvoir évaluer ses risques professionnels et consigner les résultats dans le « Document unique ». L’employeur est également tenu d’informer et de former à la sécurité ses salariés. Il est conseillé dans cette tâche par le service médical (médecin du travail, infirmières du travail, technicien hygiène et sécurité, ergonome...), le service de sécurité dans les entreprises de plus de 500 salariés, le comité d’entreprise, le CHSCT et les délégués du personnel. Le CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), instance représentative du personnel joue un rôle essentiel pour la santé et la sécurité au travail : ses élus ont un droit d’information et de formation précisé par le Code du travail. Il est obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés. En l’absence de CHSCT, ce sont les délégués du personnel qui exercent les missions de ce comité. Le Code du travail prévoit que les élus bénéficient d’une formation agréée de 3 à 5 jours par an ? (selon la taille de leur établissement).

En dehors de l’entreprise, d’autres partenaires peuvent participer à la prévention des risques professionnels tels que le service prévention des CRAM (Centre Régional des assurances maladies), les comités techniques régionaux qui ont un pouvoir financier, les instituts de médecine du travail et les consultations de pathologie professionnelle (au CHRU, dirigées par un enseignant de Médecine du travail), les organismes professionnels de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP), l’inspection du travail, l’institut national de Recherche et de Sécurité (INRS) et certains organismes agréés par le ministère du travail.

Différents outils sont à la disposition des intervenants dans la prévention de risques professionnels. Cette prévention peut être collective ou individuelle.

A. La prévention collective.

La prévention collective est toujours la première à être mise en œuvre. C’est l’employeur, avec le service de sécurité, et conseillé par le médecin du travail, qui organise la prévention dans le cadre de la législation en vigueur afin d’empêcher que l’accident se produise à nouveau en détectant les risques. Les moyens possibles sont nombreux :

  • Prévention intégrée : c’est la prévention de conception qui supprime l’existence du risque en installant dès la conception des dispositifs de protection et de sécurité sur les machines dangereuses. Exemple : des boutons d’arrêt sur les machines de conception de voiture.
  • Entretien des machines et des installations : passage de contrats d’entretien avec des entreprises spécialisées, renouvellement fréquent du matériel, etc.
  • Contrôle et certification de conformité des machines
  • Signalisation dans l’entreprise apparente et connue de tous, utilisation des couleurs de sécurité (rouge, orange, vert), isolement des zones dangereuses (barrières, écrans, cartons).
  • Contrôle régulier du fonctionnement et entretien des systèmes de sécurité.
  • Amélioration des techniques de travail : étiquetage des produits (exemple : étiquetage normalisé pour les produits chimiques http://www.inrs.fr/inrs-pub/inrs01.nsf/IntranetObject-accesParReference/INRS-FR/$FILE/fset.html, travail en vase clos, aspiration des vapeurs et des poussières, remplacement d’un produit dangereux par un autre quand c’est techniquement possible).
  • Amélioration des ambiances de travail (éclairage, bruit, empoussièrement, ambiance thermique).
  • Contrôle des produits : obligation est faite aux fabricants, importateurs et vendeurs de fournir à l’INRS toute information sur les nouvelles substances utilisées par la société.
  • Fixation de valeurs limites d’exposition : la réglementation établit des valeurs limites assorties de contrôles périodiques obligatoires pour certains risques professionnels (plomb, bruit) et des valeurs indicatives pour d’autres produits chimiques ou ambiances physiques (vibrations...), VLE (valeur limite d’exposition) : concentration maximale admissible pour une durée d’exposition de 15 minutes, VME (valeur moyenne d’exposition) concentration maximale admissible pour une durée d’exposition de 8 heures par jour. Ces valeurs peuvent être modifiées en fonction de l’évolution des connaissances.
  • Campagnes de prévention des risques internes à l’entreprise : affichage des consignes de sécurité et du règlement intérieur de l’entreprise, rappel des règles à suivre par le salarié (exemple : port du casque obligatoire sur un chantier, etc.).
  • Éducation sanitaire et développement des facteurs d’hygiène contribuant à la prévention : interdiction de boire, manger et fumer sur les lieux de travail, hygiène cutanée stricte (lavage des mains, douches).
  • Mise en place d’une charte à établir avec les représentants du personnel pour la prévention des risques professionnels avec le salarié.
  • Procédure d’accueil et d’intégration pour les nouveaux collaborateurs qui intègre la prévention des risques professionnels propres au métier exercé.

B. La prévention individuelle.

La prévention individuelle permet au travailleur de connaître le risque, de l’éviter ou de s’en protéger. Elle repose sur la formation et les protections individuelles.

La formation à la sécurité est sous la responsabilité du chef d’entreprise avec la coopération du service de sécurité (quand il existe) et du médecin du travail. Le temps passé à la formation sur la sécurité au travail est payé comme un temps normal de travail et se passe durant les heures de travail. Elle est obligatoire dans le mois suivant l’embauche ou en cas de changement de poste. Elle passe par l’instruction générale au cours de la scolarité puis par l’enseignement spécifique lors de la formation professionnelle ; elle enseigne les consignes et les gestes de sécurité, ainsi que la conduite à tenir face à un autre salarié victime d’un accident du travail ou d’une intoxication. Son renouvellement périodiquement est fortement conseillé (tous les 3 ans environ ou lors de changement de consignes/risques sur un métier donné).
Les protections individuelles sont moins fiables que la protection collective, car elles reposent sur le bon vouloir du travailleur. Elles consistent à faire porter aux salariés des :

  • Combinaisons étanches ou spécifiques à certains risques (produits chimiques, combinaisons anti-feu...),
  • Casques de protection contre les objets pouvant tomber,
  • Protection des mains : gants, crèmes protectrices, produits de nettoyage spécifiques non nocifs,
  • Chaussures de protection (semelle épaisse, antidérapante, avec coquille métallique de protection des orteils),
  • Lunettes de sécurité (UV, chaleur, projection de débris),
  • Protecteurs auditifs (casques anti-bruit, bouchons d’oreille),
  • Masques et cagoules anti-poussières ou contre les gaz,
  • Moyens de protection anti-chutes (harnais de sécurité).

La protection individuelle demeure cependant indispensable. Elle doit être mise à disposition du salarié par l’employeur et le travailleur doit respecter le port des vêtements qui lui sont attribués, sous peine de se soustraire à l’autorité de l’employeur (risques de licenciements en cas de non-respects de ces consignes).

Depuis quelques années, apparaissent aussi de nouvelles techniques de prévention des risques professionnels dans les entreprises telles que :

  • l’ouverture vers un dialogue social important et continu (réunion trimestrielle, par exemple),
  • la mise en place de tutorat pour les nouveaux salariés (un ancien salarié prend en charge le nouveau collaborateur et le forme à la prévention des risques professionnels au quotidien),
  • l’obligation, dans certaines entreprises, de faire des bilans cardio-vasculaires, des scanners, des prises de sang et autres examens médicaux, une fois par an, pour certaines professions (professions exposées à des produits toxiques, cadres stressés, etc.),
  • le développement de visites psychologiques régulières, en plus des visites médicales obligatoires de médecine du travail,
  • l’apparition de services aux salariés offerts par certaines sociétés pour développer le sentiment de bien-être au travail et réduire le stress (ex : conciergerie d’entreprise où, comme dans un hôtel, les salariés s’adressent au concierge qui les aide dans leur organisation, les informe, les conseille dans leurs choix et leur recommande des prestataires qualifiés et référencés, crèches sur le lieu de travail, services de voituriers, etc.),
  • l’utilisation des nouvelles technologies pour la prévention des risques. Ainsi, des sessions de formation à l’usage des salariés sont aujourd’hui accessibles en ligne (évaluation des connaissances, réunions de motivation online, sondages en ligne, prises de décision aidée, enquête de satisfaction, « serious games » ludiques et impactants, etc.).

C. Des exemples de prévention des risques :

Tradibatis est une des agences d’un groupe mondial de construction. L’activité traditionnelle de ce groupe consiste essentiellement en ouvrage d’art, installations industrielles et travaux maritimes. Le groupe a obtenu la certification BS 8800 en sécurité, ce qui a facilité l’obtention de certains chantiers. Pour faire progresser la sécurité dans l’agence Tradibatis, différentes actions ont été menées en interne :

  • des informations sécurité avec des notes et réunions régulières,
  • un accueil systématique des ouvriers sur un chantier avec visite du site et rappel des règles de sécurité à respecter,
  • le développement de fiches d’analyse d’accidents (pour prévenir et éviter que le même accident ne se reproduise une seconde fois),
  • un renforcement des plans de prévention des chantiers.

Dans le cadre de sa responsabilité sociale, la Banque de France a la volonté de favoriser le bien-être au travail de tous ses agents. Elle a ainsi lancé de multiples actions dans ce domaine en concertation avec les organisations syndicales, démontrant ainsi sa volonté de prévenir et de traiter les risques psychosociaux, dans leur acceptation la plus large. Ces actions ont été inscrites à partir de 2008-2009 parmi les priorités de la Banque de France et les grandes orientations du domaine des ressources humaines. La banque de France a ainsi mis en place, en décembre 2009, pour la prévention collective des risques :

  • une charte de la parentalité en entreprise qui l’engage à favoriser une meilleure prise en compte de la parentalité afin de contribuer à un meilleur équilibre de vie.
  • Un accord d’entreprise sur le télétravail qui stipule que le « télétravail sera subordonné à l’accord conjoint de la banque et de l’agent. Il pourra être exercé de 1 à 3 jours par semaine, et permettra en particulier aux agents concernés de réduire la fatigue voire le stress liés aux trajets domicile-travail.
  • Un dispositif de gestion de crise, mis en place en décembre 2007, avec un cabinet externe. En cas de crise, des psychologues cliniciens formés à la victimologie interviennent sur site. Ces interventions se font sur demande expresse de l’une des personnes de la Banque figurant expressément sur une liste établie lors de la rédaction du contrat entre la Banque de France et le cabinet (directeur général des ressources humaines, directeur des relations sociales, responsable du service social,…).

En matière de prévention individuelle des risques, la Banque de France a également prévu un certain nombre de dispositifs tels que :

  • un service de collaboration d’un psychologue du travail externe : Ce service a été mis en place le 1er décembre 2007 avec pour objectif des interventions sur site au bénéfice d’un agent ou d’un groupe, lorsque des cas de « crise durable voire permanente » le nécessitent.
  • des réunions pluridisciplinaires : Ces réunions pluridisciplinaires, présidées par le directeur des relations sociales, ont pour objectif de rechercher une solution satisfaisante pour des agents du siège et de la région Ile de France en situation de grande difficulté dans leur poste actuel.
  • un service téléphonique d’accompagnement psychologique, disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Ce service confié à un cabinet externe et mis à la disposition de tous les agents a pour objectif de leur permettre, au cours d’un ou plusieurs entretiens téléphoniques, selon leurs besoins, de parler avec un psychologue clinicien de leurs difficultés qu’elles soient ponctuelles ou non.
  • L’appel est gratuit et la teneur de la conversation totalement anonyme et confidentielle. Afin d’en être garant, un identifiant est communiqué lors du premier appel pour établir un suivi du dossier. Des tableaux de bord sont communiqués trimestriellement à la DGRH afin de permettre le suivi de la fréquentation de ce service (nombre d’appels, thèmes …).
  • un programme de formation à la prévention et au traitement des risques psychosociaux accessible à tout salarié qui le demande.
  • un programme de prévention du harcèlement : des formations de sensibilisation à la prévention du harcèlement sont proposées aux cadres et aux personnes travaillant dans la fonction ressources humaines. Cette sensibilisation, par le biais du théâtre d’entreprise avec des saynètes commentées par des consultants, suscite une prise de conscience des managers et un réel intérêt. Ces sessions sont reconduites chaque année.
  • le recrutement d’un spécialiste des risques psycho-sociaux : un spécialiste des risques psychosociaux est recruté pour assister le directeur des relations sociales dans l’élaboration et le déploiement des politiques dans ce domaine, au vu de l’ampleur des chantiers engagés.

Quelques soient les sociétés étudiées, le développement de la prévention des risques au travail doit être une volonté de la direction de l’entreprise et intégré dans une démarche de management de la sécurité [1]. La sécurité représente une valeur morale forte dans les organisations et permet aux salariés d’apprécier leurs conditions de travail. « Ici, on ne fait pas d’économie sur la sécurité des gens » diront les salariés de Transibat. De plus en plus d’entreprises développent un système de management de la santé et de la sécurité au travail (SMS). Ce dispositif de gestion combine personnes, politiques, moyens et vise à améliorer les performances d’une entreprise en matière de santé et de sécurité au travail (S&ST). C’est un outil qui permet de mieux maîtriser l’organisation de l’entreprise et de progresser en continu en intégrant la sécurité et santé au travail à toutes les fonctions.
L’adoption d’un tel système est l’expression d’une approche globale et gestionnaire de la prévention des risques professionnels. C’est une démarche volontaire qui vise à anticiper les changements, augmenter la réactivité et la performance des entreprises dans la prévention des risques de sécurité et santé au travail, limiter les dysfonctionnements en sécurité et santé au travail et assurer une cohérence globale avec les autres démarches de management.
Elle participe à l’amélioration de l’image de l’entreprise. Les systèmes de management de la santé et de la sécurité au travail constituent un cadre de gestion globale et structurée des risques, notamment pour les petites et moyennes entreprises (PME). Ils permettent souvent un positionnement stratégique de la sécurité et santé au travail, conférant autorité et légitimité à la fonction sécurité, et sont une source potentielle d’apprentissage pour l’entreprise dans tous les domaines.

Liés aux conditions générales de travail, les risques professionnels font peser sur les salariés la menace d’une altération de leur santé qui peut se traduire par une maladie ou un accident. Nous avons vu dans cet article qu’il appartenait à l’employeur de supprimer ou de réduire ces risques afin d’assurer la sécurité des salariés et de protéger leur santé physique et mentale. Pour ce faire, il doit prendre les mesures appropriées et les mettre en œuvre conformément aux principes généraux de prévention énumérés par le Code du travail. Compte tenu de la nature de l’activité exercée, il doit ainsi évaluer les risques professionnels, consigner les résultats dans un document unique et mettre en œuvre des actions de prévention. Il est également tenu à une obligation générale d’information et de formation à la sécurité.

L’évaluation des risques consiste à appréhender les dangers pour la santé et la sécurité des travailleurs dans tous les aspects liés à l’activité de l’entreprise. Il s’agit d’un travail d’analyse des modalités d’exposition des salariés. L’évaluation doit être opérée pour chaque unité de travail (poste de travail, ensemble de postes aux caractéristiques communes… ) de manière régulière (au moins une fois par an), lors de changement dans les procédés de fabrication, dans l’organisation du travail, le renouvellement d’équipements de travail, la manipulation ou l’acquisition de substances et préparations chimiques, lors de l’installation ou de la définition des postes de travail.
Les résultats de cette évaluation sont obligatoirement consignés dans un document unique et donnent lieu, si nécessaire, à la mise en œuvre d’actions de prévention.

Les principes généraux de prévention consistent à éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l’homme (conception des postes de travail, choix des équipements et des méthodes de travail et de production), l’objectif étant notamment de limiter le travail monotone ou cadencé, tenir compte de l’état d’évolution de la technique, remplacer ce qui est dangereux par ce qui ne l’est pas ou ce qui l’est moins, prendre des mesures de protection collective et leur donner la priorité sur les mesures de protection individuelle, donner des instructions appropriées aux salariés.
Ces principes consistent également à planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent : la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales, l’influence des facteurs ambiants.

La prévention des risques professionnels doit être au cœur des préoccupations de chacun.
L’apparition de nouvelles technologies et de nouveaux modes d’organisation du travail, l’évolution des réglementations, les difficultés de recrutement, les contraintes budgétaires, les attentes des salariés, le coût des accidents du travail, des remplacements et des maladies professionnelles obligent désormais les entreprises à intégrer la prévention des risques et l’amélioration des conditions de travail comme un facteur de performance dans les systèmes de gestion des ressources humaines. Cependant, pour qu’une politique de sécurité et santé au travail fonctionne dans une entreprise, elle doit répondre à une volonté de la direction de la société.

 Bibliographie :

  • Ergonomie et prévention des risques professionnels : Tome 1, L’environnement physique du travail et ses contraintes sous la direction des professeurs P. HARICHAUX et J-P. LIBERT. 2002. Edition Chiron.
  • Ergonomie et prévention des risques professionnels : Tome 2, Les contraintes musculo-squelettiques et leur prévention. P. HARICHAUX et J-P. LIBERT. 2003. Edition Chiron.
  • Ergonomie et prévention des risques professionnels : Tome 3, Spécificités de certaines conditions et réglementation générale. P. HARICHAUX et J-P. LIBERT. 2005. Edition Chiron.
  • Comprendre le travail pour le transformer : La pratique de l’ergonomie. F. GUERIN, A. LAVILLE, F. DANIELLOU, ET J. DURAFFOURG. 2007. Anact.
  • La prévention des risques professionnels, Du document unique au plan d’actions. P. MERCIETA ET C. PINATEL. 2009.
  • Harcèlement en entreprise. Comprendre, prévenir, agir. BILHERAN A., BOUYSSOU G. Armand Colin, 2010,
  • Risques psychosociaux au travail : Vraies questions, Bonnes réponses. BACHELARD O., BILLON GRAND J., DEBARD A., DEBOUT M., et coll. Liaisons Sociales. Groupe Liaisons, 2008,
  • Démarche de prévention des risques psychosociaux à la Banque de France. Note. 2010.

 Sitographie :


Pour télécharger cet article au format pdf, cliquer sur le l’icône ci-dessous :

Notes

[1Un système de management de la santé et de la sécurité au travail (SMS) est une partie du système de management global de l’entreprise. L’adoption d’un tel système est l’expression d’une approche globale et gestionnaire de la prévention des risques professionnels. Elle se base sur un référentiel et suit une démarche de changement qui doit être animée et soutenue. Les premiers constats effectués dans quelques entreprises montrent que les résultats sont contrastés : ils dépendent plus de l’utilisation du système de management que de son choix. La mise en œuvre d’un SMS est recommandée pour autant qu’un certain nombre de valeurs essentielles et bonnes pratiques de prévention soient adoptées. Source : INRS

Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)