Incidences de la « fléxicurité » dans les ressources humaines

, par Carine Courtes Lapeyrat

Le 29 avril 2008, l’assemblée nationale française adopte un projet de loi sur la « modernisation du marché du travail ». Ce projet de loi stipule que le CDI est la forme « normale et générale » des relations entre employeurs et salariés mais prévoit aussi, entre autres, la possibilité d’une rupture à l’amiable du contrat de travail, quel qu’il soit. Ce projet de loi a été considéré comme le premier pas vers la « flexi-sécurité » ou « flexicurity », modèle préconisé par les institutions européennes depuis 2007.

En économie et en ressources humaines, le terme « flexi-sécurité » (contraction de flexibilité et de sécurité) désigne un dispositif social autorisant une grande facilité de licenciement des salariés pour les entreprises (volet flexibilité) et des indemnités longues et importantes pour les salariés licenciés (volet sécurité). http://fr.wikipedia.org/wiki/Flexis%C3%A9curit%C3%A9

La notion de flexicurité est une idée importée du système danois : c’est une stratégie d’activation du marché du travail qui combine une flexibilité accrue pour les entreprises et une sécurisation du salarié, à travers, notamment, le maintien de son employabilité.

Ce modèle de flexicurité européen repose sur 8 principes communs : « 

  1. La flexicurité est un moyen de renforcer la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne, de créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité, de moderniser les marchés du travail et de promouvoir un travail de qualité grâce à de nouvelles formes de flexibilité et de sécurité pour améliorer la capacité d’adaptation, l’emploi et la cohésion sociale.
  2. La flexicurité suppose de combiner, de manière délibérée, la souplesse et la sécurisation des dispositions contractuelles, les stratégies globales d’apprentissage tout au long de la vie, les politiques actives du marché du travail efficaces et les systèmes de sécurité sociale modernes, adaptés et durables.
  3. Les approches en matière de flexicurité ne consistent pas à proposer un modèle unique de marché du travail, de vie active ou de stratégie politique ; elles doivent être adaptées aux situations propres à chaque État membre. La flexicurité suppose un équilibre entre les droits et les responsabilités de toutes les personnes concernées. En se fondant sur les principes communs, chaque État membre devrait mettre au point ses propres dispositions de flexicurité. Les progrès en la matière devraient faire l’objet d’un suivi efficace.
  4. La flexicurité devrait promouvoir des marchés du travail plus ouverts, plus souples et accessibles à tous, mettant fin à la segmentation du marché du travail. La flexicurité concerne tant les travailleurs que les personnes sans emploi. Les inactifs, les chômeurs, les personnes qui travaillent au noir, occupent des emplois précaires ou se trouvent en marge du marché du travail doivent bénéficier de meilleures perspectives, de mesures incitatives et de mesures de soutien pour accéder plus facilement au marché du travail ou de tremplins pour progresser vers un emploi stable et juridiquement sûr. Les travailleurs devraient disposer d’une aide leur permettant de rester aptes à l’emploi, de progresser et de réussir les transitions tant au travail qu’entre les divers emplois.
  5. La flexicurité interne (dans l’entreprise) et la flexicurité externe sont tout aussi importantes l’une que l’autre et il convient de les encourager. Une souplesse contractuelle suffisante doit s’accompagner de transitions sûres entre les emplois. La mobilité ascensionnelle doit être facilitée, de même que la mobilité entre les situations de chômage ou d’inactivité et de travail. Des lieux de travail de qualité et productifs, une bonne organisation du travail et l’amélioration constante des compétences sont également essentiels. Les systèmes de protection sociale devraient fournir des mesures d’aide et d’encouragement pour passer d’un emploi à l’autre ou accéder à un nouvel emploi.
  6. La flexicurité devrait soutenir l’égalité entre les hommes et les femmes en promouvant l’égalité d’accès à des emplois de qualité pour les femmes et les hommes et en proposant des mesures permettant de concilier vie professionnelle, vie familiale et vie privée.
  7. La flexicurité exige un climat de confiance et un vaste dialogue entre tous les intéressés, dans lequel tous sont prêts à assumer la responsabilité du changement en vue de politiques socialement équilibrées. Si les autorités publiques ont une responsabilité générale en la matière, l’action des partenaires sociaux dans la conception et la mise en œuvre des politiques de flexicurité, à travers le dialogue social et les négociations collectives, est d’une importance capitale.
  8. La flexicurité requiert une attribution efficace des ressources et devrait rester parfaitement compatible avec des budgets publics sains et financièrement viables. Elle doit tendre à une répartition équitable des coûts et des bénéfices, notamment entre les entreprises, les autorités publiques et les individus, une attention particulière étant accordée à la situation spécifique des PME. »

Rapport d’information de M. Pierre Morange. http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i2462.asp#P251_48485

La flexicurité est un système qui permettrait une plus grande souplesse aux entreprises en termes de licenciement des salariés de l’entreprise. Les PME hésitent en effet à embaucher lors des périodes florissantes car elles redoutent l’épreuve des procédures de licenciement lorsque la conjoncture se retourne. En contrepartie, le salarié bénéficie d’une généreuse indemnisation en cas de chômage et d’un maintien de ses droits (au Danemark, la période des droits au chômage peut aller jusqu’à 4 ans), même s’il change d’entreprise ou s’il demeure sans emploi.

Dans le modèle Danois (figure 1), c’est la conjonction de trois dispositifs qui assure la viabilité de la flexicurité :

  • les entreprises ont la possibilité de gérer l’emploi en fonction de leurs objectifs et de leurs contraintes en contrepartie d’une garantie de revenu pour les salariés,
  • les salariés sont très mobiles et acceptent l’incertitude associée à leur contrat de travail, en contrepartie d’une indemnisation chômage généreuse ; l’état de chômeur ne correspond pas à une paupérisation et le revenu du chômeur demeure quasiment égal à celui perçu lors de sa période d’activité. De plus, la durée de l’indemnisation peut atteindre jusqu’à 4 ans, ce qui permet une souplesse plus importante dans la recherche d’emploi,
  • l’état assure une politique active de l’emploi en proposant des formations adaptées au marché du travail et en assurant le contrôle de la disponibilité des chercheurs d’emplois (afin de limiter l’allongement de la période de chômage).

(Figure de Robert Boyer extraite du cahier français n°347 – éditions La documentation française)

Dans l’idée, la flexicurité permettrait ainsi une plus grande adaptabilité des PME (80% du marché de l’emploi en France) tout en permettant aux salariés de garder leurs droits et leurs avantages (droits en termes sociaux, maintien d’un fort pouvoir d’achat, droit à une requalification permanente des salariés). Cependant, le système présente des limites :

  • les entreprises pourraient en profiter pour détourner le droit du travail et casser plus facilement les Contrats à Durée Indéterminée et donc créer une méfiance des salariés employables,
  • les salariés profitant des droits au chômage pourraient, quant à eux, se sentir protéger et refuser plusieurs offres d’emplois jusqu’à épuisement de leurs droits au chômage.

Pour mettre en œuvre un tel système, il faudrait donc repenser certains articles du droit du travail et mettre des moyens d’encadrement très importants pour éviter les dérives.

En France, le terme « flexicurité » a été vraiment adopté par le pouvoir politique, après un rapport sur le modèle danois du sénateur Pierre Méhaignerie, pendant les années 2004 et 2005. Le Contrat Nouvelle Embauche, premier pas politique vers cette flexicurité à la française a été un échec. Depuis, l’accord national interprofessionnel signé en janvier 2008 a posé les jalons d’un système alliant la flexibilité de l’emploi et la sécurisation des parcours professionnels. Les principaux termes de cet accord ont été repris dans la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail et ont créé notamment un mode inédit de séparation à l’amiable, la « rupture conventionnelle ». Nous n’allons pas étudier ici, la flexicurité comme une réponse éventuelle aux fluctuations du marché, mais plutôt nous intéresser à l’incidence de cette stratégie d’activation du marché sur la formation et les parcours professionnels des individus et ses effets, par ses actions sur les compétences, sur la gestion des ressources humaines.

 I. La flexicurité et le parcours professionnel.

La volonté de la commission européenne d’instaurer la flexicurité comme socle commun du marché du travail européen appelle les Etats membres à mettre en œuvre « une stratégie intégrée visant à améliorer simultanément la flexibilité et la sécurité sur le marché du travail » (Commission européenne, 2007). La formation tout au long de la vie professionnelle d’un salarié est donc considérée comme l’un des socles d’un marché du travail fonctionnant sur une certaine flexibilité de l’embauche et des licenciements. La flexicurité devrait donc permettre, pour l’entrepreneur, de s’adapter aux fluctuations du marché et, pour le salarié, de progresser vers un parcours professionnel qui lui convient. Elle devrait donc favoriser l’apprentissage tout au long de la vie professionnelle des salariés et permettre d’ajuster le parcours professionnel du salarié.

La flexicurité doit ainsi, permettre une continuité de l’expérience et des droits par delà la diversité des statuts (salarié, demandeur d’emploi, etc). Il faut donc qu’elle prévoie des passerelles entre les différentes situations de la vie active. Pour cela, elle propose aux individus davantage de sécurité pour construire sa vie professionnelle au mieux de son épanouissement et de ses intérêts. Elle passe aussi par un renforcement du parcours professionnel et la mise en place d’une politique soutenue de formation professionnelle continue.

Le parcours professionnel est un moyen mis à disposition des salariés pour le développement de leurs compétences et de leur qualification. Tout salarié a la possibilité de progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle. L’employeur est responsable d’offrir à ses salariés la possibilité de développer leur employabilité. L’individu dispose aussi du bilan de l’étape professionnelle, qui lui permet de se saisir de ses besoins de compétences immédiats, et de pouvoir être dans une dimension prospective en identifiant ses besoins de compétences futurs.

La Formation Professionnelle Continue consiste à faire bénéficier les salariés de cours et de stages, gérés par l’entreprise en interne ou en externe tout au long de leur carrière professionnelle en vue d’entretenir ou d’améliorer leur niveau général de compétences.

C’est au Danemark que la formation professionnelle continue est la plus développée en Europe. Plus de 80% des entreprises sont formatrices avec un taux de participation de 2,7%. L’offre de formation professionnelle s’organise autour de trois piliers :

  • le premier est « almene voksenuddannelsessystem » (AVU) qui concerne les programmes de formation générale pour adultes. Il renvoie à des programmes de formations initiales pour adultes qui concernent essentiellement les compétences de base qui n’auraient pas été acquises au cours du cycle scolaire.
  • Le deuxième pilier est « åben uddannelse » qui correspond aux programmes d’études complémentaires destiné à fournir une formation complémentaire selon les besoins de l’individu. Pour avoir accès à ces programmes, il faut un certain niveau d’éducation et une expérience professionnelle d’au moins deux ans.
  • Le troisième pilier « arbejdsmarkedsuddannelserne » (AMU) concerne les programmes de formation professionnelle pour adulte ou formation à l’emploi.

Pour favoriser cette formation continue, les entreprises danoises reçoivent des subventions du « Arbejdsgivernes Elevrefusion » (AER) - Fonds des employeurs pour le financement de la formation - dont l’objectif est de couvrir tout ou partie du salaire du salarié durant sa période de formation. Cette incitation favorise le développement des propositions de formation des salariés tout au long de la vie professionnelle. La formation continue fournit aux actifs les moyens nécessaires pour faire face aux changements rapides qui s’opèrent sur le marché du travail. Et être donc adaptable aux offres d’emplois sur un marché en changement et donc employables facilement par les entrepreneurs. La flexicurité devrait aussi permettre au salarié de développer ses compétences à travers les possibilités de formations professionnelles et l’aider à construire son propre parcours professionnel. Elle doit ainsi aider l’individu à se former pour accroitre ses compétences en fonction de ses aspirations personnelles et lui permettre une plus grande liberté de choix professionnels par une amélioration de ses qualifications et de son niveau d’instruction. La formation professionnelle s’inscrit, ici, dans la globalité d’une histoire de vie. Elle sert de levier aux évolutions de sens de la vie adulte, de son horizon de pensée et de visées dans la confrontation à des expériences autres, avec l’aide des ressources éducatives mises à disposition. Elle conduit ainsi à réinterpréter, réinventer sa vie et non plus à la subir. Dans le principe de flexicurité, la formation doit s’accompagner de la construction du parcours professionnel pour l’individu. Le parcours professionnel tout au long de sa vie doit, ici, permettre à l’individu d’exercer ses choix de vie en s’appuyant sur ses forces identifiées par des acquis solides et sur ses marges de progrès, pour construire des chemins en lien avec ses propres aspirations. La démarche d’orientation doit accompagner ce chemin. L’orientation n’est pas un acte à un moment précis mais un véritable processus tout au long de la vie.

Dans le cadre d’une politique de flexicurité, ces programmes de formation professionnelle continue sont aussi destinés à fournir de la formation dite « spécifique » à l’entreprise. Ceci a pour objectif, entre autre, de permettre une adaptation rapide de la main-d’œuvre aux besoins en compétence dans les différents secteurs d’activité de l’entreprise. Mais ça permet aussi d’élever le niveau général de qualification afin de répondre aux problèmes structurels sur le marché du travail. De plus, la mobilité des actifs par le maintien et la valorisation des compétences peut permettre d’éviter les goulots d’étranglement répondant ainsi plus facilement aux besoins des entreprises. Mais les individus doivent, pour cela, faire preuve d’une adaptation croissante aux besoins. Cette amélioration des compétences de la main d’œuvre devrait fournir aux entreprises des équipes plus autonomes et plus polyvalentes. Cette polyvalence de la main d’œuvre va ensuite permettre à l’entreprise de réduire les coûts de défaillance en cas de variation de la composition de la demande : le salarié peut s’adapter plus facilement à produire un nouveau produit si l’entreprise se voit contrainte de changer sa gamme de produits. De plus, elle permet aussi au salarié de remplacer plus facilement un collègue malade et, de ce fait, de maintenir les missions ou les productions en fonction. La polyvalence des individus peut aussi renforcer la capacité d’adaptation à court terme en raison d’une meilleure compréhension du processus global et à moyen terme en raison de la complémentarité entre les apprentissages. Les salariés transfèrent ainsi les compétences acquises à l’occasion d’une activité dans une autre activité ou un autre domaine. Tout ceci doit permettre à l’entreprise de fonctionner en continue et de ne jamais souffrir d’interruption dans son offre de produits ou de services.

La flexicurité propose donc à l’entreprise des salariés plus employables de par leurs qualifications et leurs compétences professionnelles. Cette employabilité (« capacité relative d’un individu à obtenir un emploi normal compte tenu de l’interaction entre ses caractéristiques personnelles et le marché du travail » [1]) des individus doit permettre à l’entreprise de réduire ses coûts à l’entrée d’un nouveau collaborateur. En effet, si un collaborateur est très vite efficace et adaptable aux besoins de l’entreprise, il sera plus rapidement formé à la spécificité de la firme. Mais cette employabilité des individus ne doit pas se faire au détriment du salarié. Le système doit donc, également, sécuriser le salarié en lui assurant un développement de son parcours professionnel lui permettant de tendre vers ses aspirations personnelles et de ne connaître des périodes que très courtes d’inactivité. Ces périodes doivent, de plus, être l’occasion de se former et de développer, de nouveau ses compétences ou ses qualifications pour aspirer encore à un poste plus intéressant et plus gratifiant.

 II. La flexicurité et la gestion des Ressources Humaines dans l’entreprise.

L’implication, l’engagement, la collaboration ne sont pas forcément des comportements spontanés pour les salariés : cela dépend généralement de leur motivation et de leur bien être au travail.

La flexicurité cherche à répondre, dans un premier temps, à la motivation par son volet sécurité : la sécurité de l’emploi est considérée comme importante pour le bien être des salariés et de leur famille, tout comme elle est vue comme favorable à la stabilité macroéconomique. La sécurité de l’emploi, ici, est promise par une meilleure employabilité des actifs et par une durée de ressources salariales importante, qui peut aussi favoriser la ré-employabilité. Si la flexicurité intègre la sécurité de l’emploi, elle peut être source d’opportunités pour le salarié. Or, la sécurité de l’emploi peut aussi être source de loyauté, d’engagement, de motivation accrue au travail. De plus, la sécurité de l’emploi est essentielle pour qu’il y ait un intérêt pour l’individu à la formation et au développement des compétences. La sécurité de l’emploi favoriserait l’incitation au travail et donc la productivité des salariés.

La flexicurité cherche ensuite à répondre par son côté flexibilité en proposant des formations tout au long de leur vie aux salariés. Par cette formation professionnelle continue, elle participe à l’augmentation du niveau de compétences des individus et donc, en principe, à l’accès à des postes à plus hautes responsabilités, plus diversifiés en termes de travail et, généralement, mieux rémunérés. Or, l’intérêt d’un poste travail permet à l’individu de développer son estime de soi et participe à son développement personnel. Le poste plus intéressant et le niveau de rémunération sont des effets d’incitation au travail par les managers et de motivation pour les salariés. Le manager peut, ainsi, proposer des formations au salarié pour développer sa polyvalence face aux différents postes de travail dans l’objectif d’une meilleure adaptabilité de son salarié et jouer ainsi sur la satisfaction de l’individu par l’enrichissement de son travail. Le manager pourra favoriser la motivation de ses équipes en diversifiant le travail. En effet, l’ennui peut s’installer lorsque le salarié occupe durablement un même emploi. La flexibilité interne et la reconnaissance par l’accès à d’autres postes plus enrichissants sur un plan personnel peut ainsi répondre à un problème d’incitation.

Lorsque les entreprises considèrent le capital humain comme une source de richesses pour elles, elles peuvent se positionner comme actrices de l’employabilité de leurs salariés et participer au développement d’une prospective des métiers. Ceci favorise alors la mobilité interbranches afin d’établir des éléments de continuité des parcours professionnels et de promotion des emplois de qualité. Les conditions de travail, alors axées sur une certaine sécurisation de l’emploi grâce à une meilleure employabilité, favorisent l’engagement du salarié et génèrent une meilleure productivité.

Le manager pourra donc s’appuyer sur ces leviers que propose la flexicurité pour inciter le salarié à une meilleure productivité : en profitant de ses dispositions pour favoriser la formation professionnelle du salarié, sans que l’entreprise ne subisse des coûts supplémentaires, en favorisant le sentiment de sécurité au travail du salarié qui devrait bénéficier d’une meilleure employabilité. Cependant, pour qu’un modèle de flexicurité se développe, il faut que tous les partenaires du travail participent à son développement et acceptent les conditions de réussite de ce type de travail. En effet, des déviances pourraient apparaître, comme le fait, pour les entreprises, de profiter des souplesses du système pour débaucher plus facilement leurs collaborateurs et provoquer ensuite une vague de perte de confiance des actifs sur le marché du travail, ce qui aurait pour conséquence l’effet inverse de celui souhaité.

L’accord interprofessionnel de 2008 incite les employeurs à pratiquer une Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC). Il rappelle aussi que « la GPEC revêt une grande importance pour la sécurisation des parcours professionnels » La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences de l’entreprise est essentiellement une technique de gestion des ressources humaines permettant de rationaliser le recrutement, la mobilité, la formation, les formes de reconnaissance, mais c’est aussi un mode de management de l’entreprise, portée par le dirigeant et par son encadrement qui privilégie l’implication au travail de salariés responsabilisés dans des organisations de travail autonomes. La compétence apparait alors comme garante du développement de l’individu dans l’organisation, lui assurant autonomie, responsabilité, formation, etc. Selon la loi de cohésion sociale, la Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) est une gestion anticipative et préventive des ressources humaines, fonction des contraintes de l’environnement et des choix stratégiques de l’entreprise.

Pour l’entreprise, la GPEC recouvre 3 réalités :

  • anticiper les besoins et les emplois de demain : anticiper les besoins de l’entreprise sur le long terme, savoir déterminer les besoins en termes de compétences, de qualifications nécessaires et de poste de travail à pourvoir,
  • prévoir la quantité de travail à venir : prévoir le contenu des situations de travail à venir et définir les ressources grâce auxquelles les salariés pourront faire face à de nouvelles exigences,
  • prévenir de la déqualification et de la fatigue : éviter la démotivation de ses équipes par une impression de sous employabilité des compétences des salariés.

Un dispositif de GPEC s’appuie sur :

  • un bilan collectif pour déterminer les besoins de l’entreprise en termes d’évolution des métiers, des emplois, des compétences, des effectifs et pour anticiper les risques d’écarts entre besoins et ressources sur un plan qualitatif et quantitatif, et pour définir des règles et des moyens facilitant l’ajustement,
  • un bilan individuel pour favoriser le développement des capacités d’évolution et de l’employabilité de chaque salarié dans le cadre et son parcours professionnel.

La flexicurité telle qu’elle a été pensée par la France, repose sur le recours systématique au développement des compétences, par la formation, afin de renforcer la mobilité sur le marché du travail. Cette vision du marché du travail paraît être justifiée dans une période de crise où le processus de destruction créatrice d’emplois s’accélère. L’objectif est de faire face aux défis structurels du marché du travail et de permettre de former et d’orienter la main-d’œuvre vers les branches dynamiques en termes d’emploi (ou celles manquant de main-d’œuvre), tandis que le volet sécurité se verrait quant à lui développé par la systématisation d’une formation continue (voir 1re partie). Le bilan collectif réalisé dans le cadre de la GPEC doit donc inclure les évolutions du métier. À ce titre, l’entreprise se doit de former ses collaborateurs à ces évolutions de leur métier. Ceci doit ensuite permettre aux individus de développer leurs compétences et leurs qualifications et donc, leur permettre d’être toujours à la pointe des besoins de leur secteur d’activité. Le manager aura donc à gérer des employés de plus en plus qualifiés et productifs, ce qui doit permettre à l’entreprise de devenir de plus en plus compétitive. Le capital humain n’est donc plus ici considéré comme un coût pour l’entreprise mais bien comme une force de développement.

 Conclusion :

Dans le contexte économique actuel, il est légitime de s’interroger sur la viabilité du système de flexicurité. Ce système, même s’il semble fonctionner dans certains pays européens (le chômage au Danemark s’élève à 7,5% contre une moyenne de 10% dans les autres pays européens), connaît ses limites. En effet, la flexicurité danoise est un système qui est très sensible aux fluctuations conjoncturelles, c’est-à-dire que les destructions et les créations sont symétriques au cours du cycle économique. En raison de sa législation permissive en matière d’emploi, le Danemark a logiquement connu une destruction d’emplois plus importante depuis la crise de 2008 et une augmentation de 4 points de son taux de chômage entre fin 2008 et fin 2009. Même si son taux de chômage s’est stabilisé en 2010 à 7,5%, la législation a favorisé la hausse du chômage en période de crise. De plus, la mise en place d’un tel système est couteux puisqu’il faut prévoir comment financer les formations et ainsi participer au développement du parcours professionnel (ce système de formation représente environ 4% du PIB au Danemark). Une autre limite à un tel système (tel qu’il existe au Danemark) peut encore être soulevée : ce type de système, dans lequel l’ensemble des individus sont garantis d’avoir un certain niveau de vie indépendamment de leur attachement au marché du travail, est plus facile à obtenir dans des petits pays développant une forte cohésion sociétale.

La flexicurité tel qu’elle existe dans les autres pays européens, et plus particulièrement le Danemark, présente un certain nombre d’avantages, que ce soit pour l’employeur comme pour le salarié. Mais ce système n’est viable, à long terme, que si tous les agents économiques participent, sans « tricher » (à l’image du corporatisme démocratique danois). En effet, il faut, d’un côté, que les employeurs participent réellement à l’effort de formation, qu’ils anticipent sur plusieurs années leurs besoins en termes d’emplois qualifiés ou non et qu’ils participent au développement du parcours professionnel des individus. Ils doivent ainsi proposer régulièrement de nouvelles formations à leurs collaborateurs pour que ceux-ci puissent se former en fonction des attentes du secteur. Les salariés atteindront alors un meilleur niveau de qualification que les entreprises devront apprécier à sa juste valeur, par une augmentation de l’autonomie sur le poste de travail, une meilleure rémunération ou une plus grande responsabilisation.

De même, les actifs doivent mettre à profit la période d’inactivité en consolidant leur curriculum vitae et en recherchant activement du travail ; ils ne doivent pas, durant cette période, se détacher du marché de l’emploi et doivent continuer de se former pour rester employables. Ainsi, un système tel que la flexicurité nécessite un fort investissement sur l’employabilité des individus pour leur permettre de développer en fonction de leurs aspirations personnelles, leur parcours professionnel. Pour qu’il fonctionne, il faut à la fois que l’actif soit employable et flexible aux fluctuations du marché, mais aussi qu’il s’accomplisse sur un plan personnel, ceci passant par l’accès à un emploi qui lui corresponde et à une reconnaissance sociale, souvent restreinte, dans ce système, à un niveau de rémunération important. Cependant, le niveau de revenus ne suffit pas à l’accomplissement personnel des individus, il est aussi nécessaire qu’ils s’épanouissent dans leur travail. La responsabilité de l’employeur et du marché du travail est alors très grande dans la reconnaissance sociale des individus.

Ainsi, la flexicurité repose sur un système de formation particulièrement efficace et réactif aux demandes d’emplois du marché, fonctionnant par branche d’activité. Il nécessite aussi de forts besoins en financement pour pouvoir assurer cette formation professionnelle toujours à la pointe du développement du parcours professionnel du salarié et serait plus facile à mettre en œuvre dans des branches où les acteurs économiques et sociaux communiquent parfaitement.

 Bibliographie

Bibliosite :

http://www.espace-competences.org/LinkClick.aspx?fileticket=qSTB39A8s9I%3D&tabid=282&language=fr-FR

http://www.actualite-de-la-formation.fr/IMG/pdf/dossierdanemarkgblache.pdf

http://www.politiquessociales.net/IMG/pdf/RE073.pdf

http://www.mutual-learning-employment.net/uploads/ModuleXtender/Trscontent/35/TRS%20H%20Summary%20report_FR.pdf

http://books.google.fr/books?id=CebZ5T_4kOIC&pg=PA146&lpg=PA146&dq=flexicurit%C3%A9+et+motivation+des+salari%C3%A9s&source=bl&ots=kuCg8Fbr0Y&sig=XebSDZ1x2WpxaOz_NUpQbdK1kOo&hl=fr&sa=X&ei=Bev6T4GWDujK0QWi56CrBw&ved=0CEkQ6AEwADge#v=onepage&q=flexicurit%C3%A9%20et%20motivation%20des%20salari%C3%A9s&f=false

http://www.economie.gouv.fr/files/Synth_MUTECOS_ARRAS_0611.pdf

Livres :

  • Découverte de l’économie (2. Questions et débats contemporains). Cahier français n° 347. Novembre-décembre 2008. Edition de La documentation française.
  • Flexicurité : la protection de l’emploi en débat. Antoine Bevort, Michel Lallement et Chantal Nicole-Drancourt. Collection Problèmes économiques et sociaux. Décembre 2006.
  • Economie des Ressources Humaines. François Stankiewicz et Alexandre Léné. Collection Repères. Edition La découverte. 2011.
  • La Flexicurité à l’aune de l’approche par les capacités. Revue Française de Sciences Sociales. Collection Formation Emploi. Edition La documentation française. 2011.
  • Les paradoxes du modèle nordique. Problèmes économiques. La documentation française. Mercredi 20 juillet 2011.

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